Dystrophies musculaires congénitales

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Les dystrophies musculaires congénitales sont des maladies génétiques rares qui affaiblissent les muscles très tôt dans l’enfance, voire dès la naissance. Des soins précoces et soutenus aident à limiter les conséquences de la maladie sur la motricité, la respiration, le fonctionnement cardiaque… pour préserver le développement harmonieux de l’organisme.

Différentes formes de DMC

Les dystrophies musculaires congénitales(DMC) sont caractérisées par une faiblesse musculaire apparente dans la majorité des cas dès la naissance (congénitale) ou dans les six premiers mois de la vie, et toujours avant l’acquisition de la marche.
Ces malades génétiques, dues à des anomalies de l’ADN, forment un groupe hétérogène : en effet, jusqu’à présent, plus d’une trentaine de gènes différents et leurs protéines impliqués dans les DMC ont été identifiés. Certains de ces gènes jouent des rôles dans le fonctionnement des cellules musculaires, d’autres sur leur environnement proche, comme dans la matrice extracellulaire en permettant l’ancrage des cellules musculaires dans leur milieu.

Actuellement, on distingue six groupes de DMC :

  • Les mérosinopathies : dues à des anomalies du gène LAMA2(DMC avec déficit primaire en mérosine/laminine α 2 ou DMC 1A).
  • Les dystroglycanopathies : aussi appelées alpha-dystroglycanopathies, elles sont liées à des anomalies de l’alpha-dystroglycane, protéine de la surface des cellules musculaires. Parmi les nombreux gènes qui peuvent causer la maladie, la majorité joue un rôle dans la glycosylation de l’alpha-dystroglycane, processus nécessaire à son bon fonctionnement. On trouve dans ce groupe le syndrome de Walker-Warburg (WWS), le syndrome Muscle-œil-cerveau (MEB), la DMC de Fukuyama (FCMD), les DMC de type 1B, 1C et 1D. Il s’agit du 2e groupe de DMC le plus fréquent en France.
  • Les collagénopathies : aussi appelées DMC de type Ullrich, elles sont liées à des anomalies des gènes du collagène (COL6A1, A2, A3 et COL12A1).
  • Les sélénopathies : aussi appelées « syndrome de la colonne raide », elles sont dues au déficit en sélénoprotéine N lié à des anomalies du gène SELENON (anciennement SEPN1) ;
  • Les laminopathies : liées à des anomalies du gène LMNA, qui code les lamines A/C, ou encore une forme très rare liée à des anomalies du gène SYNE1, qui code la nesprine ;
  • Les autres DMC : groupe hétérogène dont les formes sont ultra-rares… On y retrouve les DMC liées aux gènes BET1, GOSR2, TRAPPC11, INPP5K, CHKB, ITGA7… impliqués dans le transport des vésicules cellulaires, le fonctionnement des mitochondries, etc.

À quoi sont-elles dues ?

Une grande partie des protéines codées par les gènes impliquées dans les DMC interviennent dans la cohésion entre les fibres musculaires elles-mêmes et avec leur environnement.
La laminine α 2, le collagène VI, le collagène XII, les intégrines et l’alpha-dystroglycane participent, chacune à leur niveau, au maintien d’une liaison entre l’intérieur et l’extérieur de la cellule. Ce système d’amarrage entre les deux milieux permet aux cellules musculaires de s’adapter aux contraintes mécaniques, en particulier aux déformations qu’elles subissent lors d’une contraction du muscle. Si ce lien est altéré, le muscle est alors fragilisé.

Schéma - Gros plan sur des protéines impliquées dans les DMC.

Gros plan sur des protéines impliquées dans les DMC.

Des maladies rares, voire ultra-rares

La fréquence globale des DMC est estimée entre 1 et 9 personnes pour 100 000. En France, l’ensemble des DMC concernent environ 600 malades.
Bien qu’il existe des différences selon les régions du monde, la répartition des grands groupes de DMC dans les autres pays est généralement similaire à celle de la France, avec les collagénopathies étant souvent les plus fréquentes (12 à 19 % des DMC), suivies des dystroglycanopathies (12 à 25 %) puis des formes liées à LAMA2 (10 à 37 %) et à SELENON (11,65 %). La plupart des DMC sont considérées comme « ultra-rares », elles ne concernent chacune que quelques dizaines de malades en France.

Quelles sont les manifestations ?

La maladie se manifeste par un manque de force et de tonus musculaires dès la naissance (hypotonie du nouveau-né). L’enfant a des difficultés d’acquisition de fonctions motrices comme se tenir assis, garder la tête droite, rester debout ou marcher. Plus tard, il peut avoir des difficultés à courir, chuter fréquemment…

Les muscles et les tendons ont tendance à s’enraidir, parfois avant la naissance, ce qui provoque fréquemment des déformations des membres (les médecins parlent d’arthrogrypose) et de la colonne vertébrale (dos creux, scoliose…).

Une insuffisance respiratoire peut apparaître de façon transitoire à la naissance, ou plus durablement chez l’adolescent ou le jeune adulte. Elle est due à l’atteinte des muscles respiratoires qui retentit aussi sur la croissance de la cage thoracique et le développement des poumons. 

Une atteinte cardiaque est susceptible de survenir dans tous les types de DMC, même si les études montrent qu’elle est plus fréquente dans les dystroglycanopathies néonatales et dans les laminopathies. Le cœur est touché plus rarement et plus tard dans les mérosinopathies, tandis que l’atteinte cardiaque est secondaire à l’atteinte respiratoire dans les sélénopathies. Il n’y a peu ou pas d’atteinte cardiaque significative dans la DMC de type Ullrich.

Les formes les plus sévères de DMC peuvent s’accompagner d’anomalies oculaires, d’épilepsie, ou encore de difficultés intellectuelles.

La gravité de la maladie est variable d’une forme de DMC à l’autre, voire d’une personne à l’autre, même dans une même famille. La plupart sont assez peu évolutives et/ou à un rythme lent. Les progrès réalisés en matière de diagnostic et de prise en charge ont permis d’améliorer la qualité et l’espérance de vie des personnes atteintes. 

Quel suivi médical ?

Le diagnostic et la prise en charge d’une dystrophie musculaire congénitale se font dans des consultations pluridisciplinaires spécialisées dans les maladies neuromusculaires.

Les traitements sont pour le moment symptomatiques : la prise en charge vise à prévenir les complications, en particulier au niveau des muscles, des articulations, de l’appareil respiratoire, du cœur et du tube digestif et à améliorer le confort de vie des personnes atteintes de DMC. Elle est adaptée à l’importance des symptômes.

Des recommandations de soins internationales
Un comité international de plus de 80 experts, l’International Standard of Care Committee for Congenital Muscular Dystrophy, s’est constitué, grâce au soutien financier de TREAT-NMD, Cure CMD et de l’AFM-Téléthon pour élaborer des recommandations de diagnostic et de prise en charge des dystrophies musculaires congénitales. Ces recommandations, qui font référence, ont été publiées en novembre 2010 (une version traduite en français est disponible).

  • La prise en charge orthopédique entretient la souplesse et l’amplitude des mouvements ; elle prévient ou limite la progression d’une déformation de la colonne vertébrale (scoliose) par le port d’un corset et/ou d’une intervention chirurgicale (arthrodèse).
  • La prise en charge respiratoire est commencée dès que le diagnostic est posé. Elle permet de faciliter le développement des poumons pour optimiser les capacités respiratoires puis d’entretenir les capacités pulmonaires optimales. Aider à respirer et lutter contre l’insuffisance respiratoire chronique permet de limiter l’apparition d’une atteinte cardiaque secondaire.
  • Un suivi cardiologique, précoce et régulier, permet de proposer des traitements adaptés (inhibiteurs de l’enzyme de conversion, diurétiques en cas de maladie du muscle cardiaque (cardiomyopathie), pacemaker ou défibrillateur en cas de troubles du rythme cardiaque...) dès les premiers signes d’une éventuelle atteinte cardiaque. 

Des cardiologues spécialistes des dystrophies musculaires congénitales (DMC) ont élaboré, avec des représentants AFM-Téléthon de personnes atteintes de DMC, un document de référence sur la prise en charge cardiologique de ces maladies, destiné aux professionnels de santé, pour les guider dans les soins cardiologiques de ces maladies. 

Les DMC étant des maladies génétiques, le conseil génétique permet de s’informer et d’être accompagné par rapport aux risques de développer ou de transmettre une telle maladie.
EN SAVOIR + SUR LE CONSEIL GENETIQUE

Une recherche active

Les efforts de recherche sur les dystrophies musculaires congénitales sont conduits à travers le monde avec une implication particulièrement forte en France, en Angleterre, en Allemagne, en Turquie, au Japon et aux États-Unis.

Dès les années 1990, la France a été en pointe dans ce domaine, avec la découverte de la mérosine par l’équipe de Fernando Tomé et Michel Fardeau en 1994. 

Quelques chiffres…

- 36 gènes impliqués identifiés. Les progrès dans les techniques d’analyse d’ADN permettent de continuer à découvrir de nouveaux gènes plus rarement en cause.
- 5 études cliniques en cours dans les dystrophies musculaires congénitales répertoriés sur le site ClinicalTrials.gov (interrogation du 03/12/2023).

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VOIR LES AVANCÉES DANS LES DYSTROPHIES MUSCULAIRES CONGÉNITALES

L’actualité de la recherche dans les dystrophies musculaires congénitales est présentée lors de grands congrès internationaux sur les maladies neuromusculaires ou d’ateliers de travail réunissant un petit nombre d’experts :

Des pistes thérapeutiques à l’étude

Des étapes clés pour produire une protéine

Plus d'informations sur le site de l'ENMC (en anglais)- C’est le gène, situé sur l’ADN dans le noyau de la cellule, qui contient l’information nécessaire. Il est retranscrit sur une molécule d’ARN. 
-  Celle-ci est maturée pour devenir un ARN messager (épissage…). 
- L’ARNm est transporté hors du noyau et l’information qu’il contient est traduite pour faire la protéine.

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Agir sur les défauts survenant au niveau des cellules musculaires

Pour corriger le défaut cellulaire, les pistes de recherche peuvent agir à différents niveaux : 
- au niveau de l’ADN : transfert de gène, comme dans la dystrophie musculaire liée à FKRP, ou activation d’un « gène de secours », comme la « surexpression » de la laminine 111 dans la DMC liée à LAMA2 ;
- au niveau de l’ARN messager : par exemple pour diminuer les quantités d’un gène muté devenu toxique comme dans les DMC liées au collagène VI ;
- au niveau de la protéine, comme restaurer la glycosylation de l’alpha-dystroglycane dans les alpha-dystroglycanopathies.

Agir sur les défauts situés dans la matrice extracellulaire

Certaines pistes à l’étude cherchent à pallier la rupture de connexion entre la cellule musculaire et son environnement proche, en particulier dans les DMC liées à LAMA2.

Favoriser la régénération du muscle

Les équipes de recherche étudient l’altération des cellules satellites dans les DMC pour découvrir comment aider le muscule à se régénérer.

Schéma régénération musculaire

Mieux connaître pour mieux soigner

  • Les bases de données médicales (entrepôts de données de santé, registres…) recueillent et centralisent des informations sur des patients (maladies, caractéristiques personnelles...) sur une même plateforme. Ce sont des outils indispensables pour mieux connaitre les maladies, surtout si elles sont rares, améliorer leur diagnostic et leur prise en charge, et faciliter l’identification des personnes susceptibles d’être incluses dans un essai clinique. Plusieurs des collectes en cours concernent les DMC, comme le registre international des maladies musculaires congénitales, le CMDIR (Congenital Muscle Disease International Registry), qui recense des personnes atteintes d’une maladie congénitale du muscle. Créé en 2009, plus de 3000 malades s’y sont enregistrés.
  • Les études d’histoire naturelle permettent de déterminer les caractéristiques du cours naturel d’une maladie. Cette connaissance de sa progression en l’absence de traitement peut servir ainsi d’élément de comparaison lors d’un essai clinique.

Aller plus loin

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