"Nous voulons tenir la promesse que nous avons faite à nos enfants"

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Interview lth

Le 9 octobre dernier, l’AFM-Téléthon et Bpifrance ont annoncé la création prochaine d’une plateforme industrielle de production de médicaments de thérapies génique et cellulaire. Cette plateforme sera la plus importante en Europe. Elle doit permettre la mise à la disposition des malades, des premiers traitements innovants issus d’une recherche d’excellence française, fortement impulsée et soutenue par l’AFM-Téléthon. Laurence Tiennot-Herment, Présidente de l’Association, revient sur cette étape-clé du combat de l’AFM-Téléthon.

 

Avec la création de cette plateforme industrielle, l’AFM-Téléthon ouvre un nouveau chapitre de son histoire. Peut-on parler de révolution ?

Je parlerai plutôt d’évolution naturelle, car cela s’inscrit véritablement dans la continuité de notre histoire. Pendant toutes ces années où nous avons financé la recherche, notre but a toujours été le même : guérir. La recherche, c’est seulement le passage obligé pour développer des thérapies innovantes efficaces contre les maladies rares. Depuis ces dernières années, les essais cliniques se sont multipliés et nous disposons, depuis 2013, d’un outil pré-industriel de production de médicaments de thérapie génique (Généthon Bioprod) qui nous permet  de répondre en partie  aux besoins des chercheurs menant ces essais. Alors que les preuves expérimentales d’efficacité chez l’Homme se multiplient, nous devons anticiper l’étape suivante. Cette plateforme industrielle est l’outil indispensable pour aller jusqu’à la production à  grande échelle et la commercialisation de ces thérapies innovantes, qu’il s’agisse de thérapie génique ou de thérapie cellulaire. 

Quelle est la stratégie de l’AFM pour amener les médicaments jusqu’aux malades ? 

En tant qu’association de malades, notre objectif n’est pas de réaliser des prouesses scientifiques mais bien de mettre à la disposition des malades des traitements efficaces. Les thérapies innovantes (thérapies génique et cellulaire) constituent une médecine nouvelle en plein essor mais  les premiers candidats médicaments aujourd’hui développés ne sont  que des « prototypes ».  Personne dans le monde n’est en capacité de les produire, à  grande échelle, avec un « design » parfait et reproductible. C’est un défi immense, un défi d’envergure internationale que nous relevons. Pour cela, nous créons notre propre outil de production et de commercialisation car les compétences  et les expertises se trouvent dans nos équipes au sein de nos laboratoires et parce que ces promesses thérapeutiques sont également issues de leur savoir-faire Nous devons également être en capacité de mener jusqu’au marché des thérapies qui s’adresseraient aux plus rares des maladies rares. 

Dans le domaine de la pharmacologie classique, notre stratégie est différente : il s’agit de s’appuyer sur des organisations pharmaceutiques qui ont déjà le savoir-faire et les capacités à développer une molécule chimique et à la commercialiser internationalement. La stratégie de valorisation adoptée en 2004 par notre Conseil d’Administration nous permet, lorsque nous avons engagé des financements importants dans la R&D,  de peser dans des négociations avec les industriels,  afin de garantir l’intérêt des malades et leur accès le plus rapide possible au produit. Ainsi, début 2015, le groupe pharmaceutique Roche a racheté Trophos, une biotech marseillaise qui a démontré l’efficacité d’un neuroprotecteur dans l’amyotrophie spinale (l’olesoxime). En tant que titulaire de la licence sur ce produit dont nous avons soutenu le développement depuis 15 ans (23 ME engagés), nous avons pu obtenir de Roche des engagements précieux pour les malades, notamment le démarrage dès que possible d’une étude ouverte permettant aux patients ayant participé aux essais de bénéficier de nouveau du médicament. La valorisation de cette licence nous a également permis  de bénéficier d’un juste retour sur investissement, 51 ME pour l’année 2015*. Un retour financier que nous pouvons réinvestir dans la recherche ou dans des projets stratégiques tels que, par exemple, la plateforme industrielle dont nous annonçons la création. 

En tant que nouvel acteur du domaine du médicament, quel est votre particularité ? 

Nous sommes une association de malades et de parents de malades et, en cela, notre priorité c’est l’intérêt des malades.  Nous voulons aller jusqu’au bout de notre combat et garantir au plus grand nombre l’accès à ces traitement innovants, à un prix juste et maitrisé.  Cette notion de prix juste et maitrisé s’appuie d’abord sur notre volonté de transparence, transparence dans l’élaboration du prix et en se basant sur les coûts de R&D, de production et la prise en compte de la pérennisation de la structure. Nous avons la chance dans cette nouvelle aventure d’être accompagnés par la Banque Publique d’investissement de l’Etat, Bpifrance, qui partage notre stratégie d’intérêt général.  

Nous avons une promesse à tenir vis-à-vis de nos enfants mais également de tous les donateurs et bénévoles qui se mobilisent pour le Téléthon depuis 28 ans. Mettre tout en œuvre pour guérir des maladies longtemps considérées comme incurables, mettre fin à la fatalité et à l’inéluctable qui frappaient nos familles, c’est notre moteur et tant que nous n’aurons pas réussi, cela le restera. Le chemin parcouru depuis le premier Téléthon est impressionnant mais celui qu’il reste à parcourir l’est tout autant car ne l’oublions pas, pour 99% des maladies rares, il n’y a toujours aucun traitement.  

*51 ME auxquels s’ajoutent 8,5 ME en 2015 pour la vente des actions détenues par l’AFM-Téléthon au sein du capital de Trophos.