Myasthénie et myosites : les stocks d’immunoglobulines sous tension

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Les immunoglobulines polyvalentes ont vu leurs indications priorisées depuis 2018 pour limiter le risque d’une pénurie aux conséquences non négligeables.

Les immunoglobulines (Ig) sont des anticorps produits par le système immunitaire et qui circulent dans le sang. Administrées pour soigner, les immunoglobulines « humaines polyvalentes » sont extraites des dons de plasma réalisés notamment dans les centres de collecte de l’Etablissement français du sang.
Chaque lot de ce biomédicament provient d’au moins 1 000 donneurs en bonne santé. Leurs plasmas subissent différents tests. Les Ig sont ensuite isolées et purifiées selon des normes très strictes avant de pouvoir être injectées, le plus souvent en perfusion, soit pour moduler l’activité du système immunitaire (effet immunomodulateur) par exemple au cours de certaines myosites ou de la myasthénie auto-immune, soit parce que l’organisme ne fabrique pas suffisamment d’Ig (déficits immunitaires).

Les raisons des difficultés d’approvisionnement

Il s’écoule en général neuf mois entre la collecte d’un don de plasma et la mise à disposition des Ig polyvalentes. Ce parcours long et complexe explique qu’il soit impossible d’ajuster de façon exacte et instantanée l’offre de ce médicament dérivé du plasma à une demande qui augmente de façon exponentielle à l’échelle mondiale.
Les Ig polyvalentes sont en effet prescrites dans un nombre croissant de maladies. Les dons de plasma récoltés par l’EFS sont par exemple insuffisants actuellement pour soigner l’ensemble des personnes qui ont besoin d’un traitement par Ig polyvalentes en France.
À l’augmentation des besoins s’ajoutent des difficultés de production rencontrées de façon ponctuelle par les (rares) laboratoires qui produisent les Ig polyvalentes. Parfois, certains font le choix de ne pas s’engager dans une réponse à un appel d’offres hospitalier. Cette conjonction aboutit vite à des situations où la quantité de produits disponible est insuffisante pour couvrir l’ensemble des prescriptions. La France a connu de telles tensions fin 2013, puis de nouveau à partir de 2017 de façon itérative. Elles se sont accrues fin 2021.

Des indications hiérarchisées

Pour l’avenir, l’EFS travaille à un plan d’amélioration de sa collecte de plasma. L'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a de son côté, dès janvier 2018, constitué un comité temporaire d’experts, parmi lesquels des représentants de la filière Filnemus et de l’AFM-Téléthon, chargés d’analyser les indications des Ig polyvalentes fonction des dernières données scientifiques.
Ils ont réparti la centaine de situations où ce médicament est actuellement prescrit en « justifiées », « non justifiées ou non acceptables » et « caduques ». Ils ont également priorisé les 27 indications reconnues comme justifiées : la myasthénie auto-immune, la dermatomyosite, la polymyosite et la myosite à inclusions en font partie, mais elles ne sont pas toutes jugées prioritaires dans tous les cas. Les conditions d’accès aux Ig varient d’une maladie à l’autre. Dans la myasthénie, des échanges plasmatiques peuvent être indiqués en première intention en cas de crise, lorsqu’ils sont accessibles.
Une revue de la hiérarchisation est en cours, avec l’objectif de préciser les critères et conditions de prescription des Ig pour chaque maladie.

Les effets du manque mesurés dans la myasthénie

L’enjeu est d’importance si l’on en juge par les résultats d’une étude du Centre de référence des maladies rares neuromusculaires de Marseille. Son équipe a évalué, entre octobre 2017 à octobre 2018, les conséquences des difficultés d’approvisionnement en Ig polyvalentes sur la santé de 142 personnes recevant ce traitement pour une myasthénie ou une neuropathie auto-immune. Dans la majorité des cas (78%), il a fallu modifier le traitement : en réduire les doses (37%), le retarder (68%), ou encore l’interrompre (28%) et opter pour une autre solution thérapeutique (échanges plasmatiques, corticoïdes…). La moitié des personnes qui ont subi un changement de ce type ont connu une aggravation de la maladie, d’importance variable.

Sources

Point de situation des approvisionnements des médicaments dérivés du sang, ANSM

Utilisation des immunoglobulines humaines polyvalentes (Ig) dans un contexte de fortes tensions d’approvisionnement, ANSM

Immunoglobulin shortage: Practice modifications and clinical outcomes in a reference centre.
N'kaoua E, Attarian S, Delmont E et al.
Rev Neurol (Paris). 2021 Nov 27:S0035-3787(21)00768-2.