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Bilan neuropsychologique : le décryptage d’une psy

Publié le
Vignette - Sabrina Sayah, psychologue

Troubles du langage, du comportement, de l’attention, de la concentration… différents tests permettent d’évaluer les difficultés cognitives rencontrées dans certaines maladies neuromusculaires. Mais comment se déroule ce bilan ? Et en quoi ses résultats peuvent-ils aider à améliorer la vie au quotidien ? Les réponses de Sabrina Sayah, psychologue à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière et à l'Institut de Myologie, à Paris.

Qu'est-ce qu'un bilan neuropsychologique ? Quand le demander dans le contexte d’une maladie neuromusculaire ?

Il existe deux principaux types de tests pour évaluer les capacités cognitives. Le test d’efficience intellectuelle permettant de calculer un quotient intellectuel (QI), généralement fait chez les enfants et qui mesure les capacités de raisonnement. Et les tests cognitifs pour identifier des troubles cognitifs spécifiques en examinant en détail, les différentes mémoires, l'attention, la capacité à résoudre des problèmes... Comme je travaille avec des adolescents et des adultes, j’effectue davantage de bilans évaluant les fonctions cognitives spécifiques.

Un bilan peut être demandé par le médecin lorsqu'un patient présente des symptômes évocateurs de troubles cognitifs, mais également par le patient lui-même qui s’inquiète de ses propres difficultés ou encore par ses proches s'ils observent chez lui des changements de comportement ou des difficultés à réaliser certaines tâches.

Dans les maladies neuromusculaires, les difficultés cognitives varient selon les maladies et les individus. Dans ma pratique je réalise davantage de bilans chez des patients atteints de maladie de Steinert. Cette maladie présente cinq formes différentes, chacune avec des difficultés spécifiques allant d'une déficience intellectuelle à des troubles de l'attention, un ralentissement ou des difficultés à identifier les émotions, etc. On constate aussi des troubles cognitifs dans la myopathie de Duchenne, dans la myopathie de Becker où on les découvre peu à peu et dans beaucoup de maladies mitochondriales.

Bien que ce soit difficile pour les patients qui doivent déjà passer de nombreux examens médicaux, le bilan, s’il est nécessaire, ne doit pas être évité. Il est important d'être à l’écoute de son fonctionnement cognitif et d’expliquer sans hésiter à son médecin les difficultés que l’on ressent : j’ai l’impression d’avoir des difficultés à me concentrer ou/et me souvenir des choses, à l’école je n’arrive pas à suivre, je suis plus ralenti(e) au travail, j’ai l’impression de ne plus pouvoir faire plusieurs choses en même temps, etc.

J'ajouterai aussi que le bilan peut, certes, révéler des troubles des capacités cognitives, mais aussi rassurer les patients sur leurs craintes. Parfois, les difficultés vécues relèvent davantage de l'impact psychologique de la maladie, qui implique toujours de faire face à des moments difficiles… Savoir, grâce au bilan, que ses troubles résultent plutôt d’une souffrance psychique est important car cela permet de choisir une prise en charge plus adaptée.

Comment se déroule le bilan ? Y a-t-il des aménagements pour les personnes fatigables ou à mobilité réduite ?

Un bilan neuropsychologique se déroule en trois temps. D’abord un entretien, de 30 minutes à une heure, me permet de parler avec le patient de son état général et des raisons qui l’ont amené à faire un bilan : quels sont les problèmes concrets qu'il rencontre, comment vit-il au quotidien, etc. Cela me permet d'avoir une vue d'ensemble de la vie du patient et d'être plus pertinente dans mon analyse. Puis j’explique en détails le déroulement du bilan, et la possibilité de faire des pauses si le patient se sent fatigué. Ensuite, les tests commencent : ils consistent à mesurer des scores lors d’évaluations qui vont engager différentes fonctions cognitives telles que la concentration, l’attention, le langage, les mémoires, etc. Il s’agira par exemple de tests de concentration, de tests de mémoire à court terme, verbale et visuelle, de tests d'orientation temporelle et spatiale, par exemple : quelle est la date d'aujourd'hui, dans quel hôpital sommes-nous…

Au cours du bilan, nous pouvons aussi évaluer les difficultés liées à la perception des émotions et ressentis de l'autre. Lorsque cette compréhension fonctionne mal, comme ça peut être le cas dans la maladie de Steinert, cela peut compliquer les relations et avoir un impact considérable sur la sphère socio-professionnelle et personnelle du patient.
Le rôle du bilan est également d’évaluer l’impact de l’atteinte cognitive sur le comportement du patient. En effet, des difficultés comportementales peuvent découler d'une atteinte cognitive.

L'ensemble de ces tests prend environ une heure et demie et je m'adapte toujours à chaque patient et à ses besoins spécifiques. Par exemple, s’il n’est pas en capacité d’écrire, je choisis des tests alternatifs qui ne nécessitent pas de le faire. Je suis également attentive à la fatigabilité et l’état de chaque patient. Si deux séances sont nécessaires pour faire les tests, je peux le proposer, même si cela m'est rarement arrivé.

Restituez-vous les résultats à la personne qui a passé le bilan ? Et quelles peuvent-être les suites ?

Pendant les tests, je recueille les données obtenues en temps réel, que j'analyse et compare aux normes de la population en fonction de l’âge et du niveau d’études. Cette analyse me permet de faire une première restitution, rapide, à la fin de la séance. Et je précise aussi que ce sont des résultats obtenus à un moment donné, en situation de tests, mais que dans la vie de tous les jours les patients s’adaptent souvent bien plus à leur situation et trouvent des stratégies.

Si besoin, j’organise un rendez-vous pour une restitution plus complète, où il sera question de discuter des possibles adaptations scolaires ou professionnelles, de répondre aux questions que les patients se posent. Durant cette séance, en fonction des résultats, je travaille avec mes patients à mettre en place des astuces simples au quotidien pour améliorer l’organisation et la concentration et diminuer les difficultés rencontrées, comme utiliser un carnet de notes toujours de la même couleur ou s’équiper d’un agenda. Dans les cas où les problèmes sont importants, je les oriente à faire une remédiation cognitive auprès d'un orthophoniste en ville.

Par ailleurs, je remets au patient un compte-rendu qui comporte une analyse approfondie des résultats. Il pourra le transmettre à son médecin référent ou au médecin du travail... pour permettre la mise en place de solutions pour la vie quotidienne, scolaire et/ou professionnelle.

Je propose également à mes patients de les revoir à distance, après deux ans environ. Dans certaines situations, le suivi peut être plus rapproché notamment lorsqu'il s’agit de personnes âgées chez qui d’autres troubles, sans lien avec la maladie neuromusculaire, peuvent apparaître.