Myosites : des maladies dues aux interférons ?

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Recherche fondamentale - Eprouvette

Une étude après l’autre, le rôle des interférons se confirme dans les myosites, ce qui pourrait en améliorer le diagnostic et le suivi, mais aussi le traitement.

Les myopathies inflammatoires (ou myosites) sont des maladies auto-immunes dues à un dérèglement du système immunitaire qui attaque un constituant de l’organisme comme le muscle, la peau... Les mécanismes en cause dans ces maladies se précisent peu à peu.

Une « signature interféron »...

Les interférons (IFN) sont des molécules produites par le système immunitaire et qui participent à la défense de l’organisme contre les infections. Il en existe trois types appelés interféron I, II et III.
Leur implication dans les myosites a été mise en évidence par plusieurs études, qui ont retrouvé une augmentation du niveau d’expression des gènes stimulés par les interférons (IFN stimulated genes ou ISG). Ce phénomène nommé « signature interféron » est corrélé avec l’activité de la myopathie inflammatoire.

... différente selon la forme de myosite

Pour mieux comprendre quel type d’interféron est impliqué dans les différentes formes de myosites, une équipe de chercheurs américains a étudié les biopsies musculaires de 119 personnes atteintes de myopathie inflammatoire et de 20 personnes indemnes de ces maladies. Elle a montré que les gènes activés sont différents selon la myosite :
- les gènes stimulés par l’interféron de type I sont davantage activés dans la dermatomyosite (et moins dans le syndrome des anti-synthétases, la myopathie nécrosante auto-immune et la myosite à inclusions) ;
- les gènes stimulés par l’interféron de type II sont plus activés dans la dermatomyosite, le syndrome des anti-synthétases et la myositeà inclusions (et moins dans la myopathie nécrosante auto-immune).

L’interféron alpha dans la dermatomyosite

Le rôle de l’interféron de type I avait déjà été démontré en 2018 dans la dermatomyosite par une équipe française, soutenue par l’AFM-Téléthon.
Une nouvelle étude a été menée en France chez 64 enfants atteints de myopathie inflammatoire juvénile (dermatomyosite juvénile ou myosite de chevauchement) suivis dans trois Centres de Référence de Rhumatologie pédiatrique. Publiés en novembre 2019, ses résultats confortent le rôle important de l'interféron alpha (un sous-type d’IFN I) dans les myosites juvéniles, en particulier lorsqu’elles s’accompagnent d’auto-anticorps anti-MDA5. Dans ce cas, l’expression des gènes stimulés par l’IFN alpha, mais aussi le taux dans le sang d’IFN alpha, sont très élevés au moment où la maladie survient. Ils diminuent lorsque la maladie devient moins active grâce au traitement.

Des méthodes de détection directe

Dans cette dernière étude, les chercheurs ont utilisé une méthode optimisée de quantification de l’interféron appelée « Simoa » (pour Single molecule arrays), utilisant des auto-anticorps ayant une forte affinité pour l’interféron alpha. Cette technique récente, encore du domaine de la recherche, détecte l’interféron alpha dans le sang des personnes malades à des niveaux bien plus faibles que les méthodes classiques.

L’analyse des taux d’interférons et celle des gènes qu’ils activent devrait permettre in fine de mieux comprendre les mécanismes pathologiques des myopathies inflammatoires et d’en améliorer le diagnostic comme le suivi sous traitement.
Ces avancées ouvrent également la voie à des traitements plus efficaces, car ciblés sur l’interféron en cause à l’exemple d’inhibiteurs des Janus kinases (JAK) ou d’inhibiteurs de TANK-binding kinase 1 (TBK-1) qui agissent sur l’interféron de type I et ont déjà été testés dans la dermatomyosite réfractaire.

Source
Interferon-signature in idiopathic inflammatory myopathies.
Gallay L, Mouchiroud G, Chazaud B.
Curr Opin Rheumatol. 2019 Aug 28.

Identification of distinctive interferon gene signatures in different types of myositis.
Pinal-Fernandez I, Casal-Dominguez M, Derfoul A, Pak K, Plotz P, Miller FW, Milisenda JC, Grau-Junyent JM, Selva-O'Callaghan A, Paik J, Albayda J, Christopher-Stine L, Lloyd TE, Corse AM, Mammen AL.
Neurology. 2019 Aug 21

Anti-MDA5 juvenile idiopathic inflammatory myopathy: a specific subgroup defined by differentially enhanced interferon-α signalling.
Melki I, Devilliers H, Gitiaux C, Bondet V, Duffy D, Charuel JL, Miyara M, Bokov P, Kheniche A, Kwon T, Authier F, Allenbach Y, Belot A, Bodemer C, Bourrat E, Dumaine C, Fabien N, Faye A, Frémond ML, Hadchouel A, Kitabayashi N, Lepelley A, Martin-Niclos MJ, Mudumba S, Musset L, Quartier P, Rice GI, Seabra L, Uettwiller F, Uggenti C, Viel S, Rodero MP, Crow YJBader-Meunier B.
Rheumatology (Oxford). 2019 Nov 22.

Inhibition of IFNα secretion in cells from patients with juvenile dermatomyositis under TBK1 inhibitor treatment revealed by single-molecular assay technology.
Gitiaux C, Bondet V, Bekaddour N, Nusbaum P, Hubas A, Melki I, Bodemer C, Quartier P, Desguerre I, Crow YJ, Herbeuval JP, Duffy D, Bader Meunier B, Rodero MP.
Rheumatology (Oxford). 2019 Oct 30.

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