Dystrophinopathies chez les femmes

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Les dystrophinopathies touchent les muscles permettant le mouvement ainsi que le cœur. Elles peuvent se manifester chez des filles ou des femmes porteuses d'anomalies sur le gène DMD, même si elles sont beaucoup plus fréquentes chez les hommes. Elles nécessitent une surveillance médicale régulière, même en l’absence de symptômes. La multiplication des essais de thérapies innovantes dans la myopathie de Duchenne bénéficiera à terme aux femmes atteintes de dystrophinopathie.

Qu'est-ce que c'est ?

La grande majorité des femmes porteuses d’une anomalie du gène DMD sur un de leurs chromosomes X ne développe ni atteinte musculaire, ni atteinte cardiaque.

Ces femmes dites "porteuses" ou encore "transmettrices", "conductrices" ou "vectrices" de la dystrophie musculaire de Duchenne (DMD) ou de la dystrophie musculaire de Becker (DMB) risquent de transmettre ce trait génétique à leur descendance mais ne présentent pas de symptôme. On dit qu'elles sont "asymptomatiques".

Le risque de développer une atteinte cardiaque et/ou une atteinte musculaire concerne, selon les études, 5 à 22 % des femmes porteuses d'anomalies du gène DMD.

  • Ces femmes atteintes de dystrophinopathie sont aussi dites "transmettrices de la dystrophie musculaire de Duchenne ou de Becker symptomatiques". Elles seraient plusieurs centaines en France.
  • Exceptionnellement, des filles peuvent présenter une authentique myopathie de Duchenne se présentant et évoluant comme chez les garçons. On parle alors de "Duchenne féminin" ou de "Duchenne filles". Elles sont moins d’une cinquantaine en France d’après les données du registre national UMD-DMD.

Regardez le replay de l'atelier sur les femmes transmettrices, présenté lors des journées Duchenne/Becker à l'âge adulte organisées par l'AFM-Téléthon les 23 et 24 juin 2022.

À quoi les dystrophinopathies sont-elles dues ?

Les dystrophinopathies sont dues à des anomalies de la dystrophine (c’est de là que vient leur nom). Cette protéine participe à la solidité et à la résistance des fibres musculaires, en particulier lorsque les muscles se contractent et se relâchent. Lorsque la dystrophine est altérée ou absente, la fibre musculaire est plus fragile : elle s’abîme au fur et à mesure des contractions et finit par dégénérer.

La fabrication de la dystrophine se fait grâce au gène DMD qui la code. Le gène DMD est situé sur le chromosome X.

Le chromosome X
Le chromosome X est l’un des deux chromosomes sexuels de l’être humain ; l’autre est le chromosome Y. L’information génétique qu’ils contiennent détermine le sexe de la personne : les hommes sont XY et les femmes XX. 
Lorsqu’une anomalie génétique est présente sur le chromosome X, les conséquences sont généralement plus sévères chez les hommes - qui n’ont qu’un seul chromosome X - que chez les femmes chez qui la présence du deuxième chromosome X permet de compenser en partie ou totalement cette anomalie.
  • Les garçons n’ont qu’un chromosome X et n’ont, donc, qu’un seul exemplaire du gène DMD. Lorsque celui-ci présente une anomalie génétique, la dystrophine fonctionne moins bien, voire pas du tout.
  • Les filles possèdent deux chromosomes X et donc deux copies du gène DMD. Si l’un de ces chromosomes est porteur d’une anomalie sur le gène DMD, le deuxième chromosome X, a priori indemne, peut, en théorie, compenser le dysfonctionnement du premier.
Inactivation du chromosome X
Si les femmes ont 2 exemplaires du gène DMD alors que les hommes n’en ont qu’un seul, elles ne fabriquent pas pour autant deux fois plus de dystrophine que les hommes : il existe un mécanisme naturel qui permet d’inactiver l’un des deux chromosomes X.
Les cellules n’inactivent pas toutes le même chromosome X. En général, chaque chromosome X est actif dans la moitié des cellules de l’organisme et inactivé dans l’autre moitié, mais il arrive que cette répartition soit inégale.

 

Chez les femmes symptomatiques, le deuxième chromosome X ne permet pas de fabriquer suffisamment de dystrophine.

Si le gène DMD normal présent sur le deuxième chromosome X ne joue pas son rôle de "copie de secours", les fibres musculaires sont fragilisées. Ceci survient dans différentes situations :

  • Le deuxième chromosome X est anormalement inactivé dans les cellules musculaires. Souvent, chez les femmes atteintes de dystrophinopathies, le chromosome X porteur d’anomalie sur le gène DMD est actif dans la majorité des cellules musculaires, le chromosome X sans anomalie génétique étant préférentiellement inactivé. C'est ce qui explique qu’elles développent des symptômes musculaires.   
  • Le deuxième chromosome X sain présente un défaut structurel comme une anomalie chromosomique (translocation, perte du chromosome…).
  • Plus rarement, le deuxième exemplaire du gène DMD comporte, lui aussi, une anomalie génétique.

Où en est la recherche dans les dystrophinopathies chez les femmes ?

De très nombreuses équipes de chercheurs travaillent pour mieux comprendre les différentes fonctions de la dystrophine et pour trouver et tester des pistes thérapeutiques permettant de compenser son absence (thérapies innovantes ou pharmacologie conventionnelle). Le plus souvent, ces équipes travaillent sur la myopathie de Duchenne. Les connaissances acquises grâce à leurs recherches profiteront à terme à toutes les formes de dystrophinopathies.

Quelques chiffres… 

  • 89 essais et études cliniques en cours ou en préparation dans les dystrophies musculaires de Duchenne et de Becker répertoriés sur le site ClinicalTrials.gov , dont 3 études intégrant des femmes porteuses d’anomalies sur le gène DMD (au 15 mai 2023 ).
  • 729 articles publiés sur la dystrophie musculaire de Duchenne et de Becker dans la littérature médicale et scientifique entre juin 2022 et juin 2023 d'après Pubmed

Des conférences et congrès ont lieu pour partager les progrès scientifiques et médicaux, impulser des collaborations et faire naître des projets de recherche :

Et en attendant 2024 ! Myology 2022 : Les chercheurs racontent...

Un atelier de travail sur les dystrophinopathies chez les femmes

L'ENMC a réuni en juin 2021 et mai 2022 des experts médicaux et scientifiques pour mettre à jour les recommandations pour le diagnostic, le suivi et la prise en charge médicale des femmes atteintes de dystrophinopathie.

Des atteintes de mieux en mieux connues et prises en charge

Jusqu’à présent, les principales études menées dans les dystrophinopathies chez les femmes ont eu pour objectif de mieux décrire l’évolution des atteintes chez les femmes qui développent des symptômes de la maladie. Les études les plus importantes ont intégré plus de 100 femmes porteuses d’anomalies génétiques sur le gène DMD.

Elles ont permis, d'une part, de mettre en évidence des cas d’authentique myopathie de Duchenne chez des jeunes filles et, d’autre part, d’attirer l’attention sur le risque de développer une atteinte cardiaque sévère chez des femmes transmettrices, même en l’absence de signe musculaire.

Ces études observationnelles ont amélioré la prise en charge des femmes atteintes de dystrophinopathie. Elles pourraient aussi permettre de comprendre pourquoi l’expression clinique de la maladie est si différente d’une femme à une autre, y compris au sein d’une même famille. Le degré d’inactivation du chromosome X n’explique pas tout. D’autres facteurs, aggravants ou protecteurs, sont certainement à l’œuvre.

  • Le Registre francais des dystrophinopathies est un outils de collecte de données de santé français dédié aux myopathies de Duchenne et de Becker, créé en 2019. Coordonné par le Pr. Isabelle Desguerre (Hôpital Necker, Paris) et financé par l’AFM-Téléthon, il recense les données cliniques et génétiques des patients atteints de DMD ou de DMB suivis en consultation en France. Son but est d’alimenter les travaux de recherche et de faciliter l’accès aux études et essais cliniques pour les malades. Voir aussi la page sur l'Entrepôt de données de santé.

En France, la banque de données UMD DMD France inclut des données de femmes atteintes de dystrophinopathie.

Une étude clinique en cours 

Une équipe du CHU de Nantes recrute actuellement des femmes atteintes de dystrophinopathie avec une insuffisance cardiaque sévère (fraction d’éjection du ventricule gauche ≤ 35%). Quatre familles participent déjà à cette étude qui permettra de décrire plus finement l'atteinte cardiaque, de rechercher d'éventuels facteurs de risque et de détailler les mesures de suivi et de prévention nécessaires.

Des essais cliniques encore rares

Du fait de la rareté de la maladie et de la grande diversité des symptômes, il y a peu d’essais cliniques en cours dans les dystrophinopathies chez les femmes. En effet, si un candidat-médicament est testé chez des personnes très différentes les unes des autres (âge, capacités motrices, symptômes ressentis…), les données cliniques mesurées lors de l’essai ne seront pas toujours comparables et les résultats risquent d’être difficiles à interpréter.

Une fois qu’un candidat-médicament aura fait la preuve de son efficacité chez des garçons atteints de myopathie de Duchenne, il pourra, dans un second temps, être testé chez des filles et/ou des femmes atteintes de dystrophinopathie.

Dans la dystrophie musculaire de Duchenne, la corticothérapie s’est progressivement imposée comme le traitement de référence pour ralentir la progression de la maladie et prolonger la marche de plusieurs années chez les garçons. Elle aurait aussi un effet potentiellement bénéfique sur les fonctions cardiaque et respiratoire.

Chez les filles atteintes d’une authentique myopathie de Duchenne, son utilisation peut être envisagée selon les mêmes modalités comme cela a été rapporté, avec succès, dans quelques publications récentes. En revanche, la corticothérapie n’est pas indiquée chez les femmes atteintes d'autres formes de dystrophinopathie.

Que peut-on faire ?

La majorité des femmes porteuses d’anomalies sur le gène DMD ne présentent aucun signe de dystrophinopathie. Cinq à 22% des femmes avec une anomalie du gène DMD présentent :

  • Une atteinte des muscles permettant les mouvements (ou muscles squelettiques) qui peut apparaître dès l’enfance ou à tout âge de la vie. Elle peut se manifester par une diminution de la force musculaire et/ou par de la fatigue, des crampes et des douleurs musculaires. Il n’est pas rare que ce déficit musculaire s’exprime de manière asymétrique. L’atteinte évolue très différemment d’une femme à l’autre.
  • Une atteinte du muscle cardiaque qui peut apparaître progressivement à l’âge adulte, voire plus tôt chez les filles atteintes d’une authentique myopathie de Duchenne. Les premiers signes sont souvent discrets, voire absents, et la personne ne s’en rend pas toujours compte. Même les femmes ne présentant pas de signes musculaires sont concernées par ce risque cardiaque. C’est pourquoi les spécialistes recommandent que toutes les femmes porteuses d’anomalies génétiques sur le gène DMD, symptomatiques ou non, bénéficient d’un suivi cardiaque régulier (tous les 5 ans ou plus souvent si nécessaire). 
  • Plus rarement, d’autres muscles, comme les muscles respiratoires ou les muscles présents dans la paroi de la vessie ou de l’intestin (muscles lisses) peuvent être atteints.
  • Des difficultés d’apprentissage et des troubles du comportement sont aussi parfois présents, à l’instar de ce que l’on observe dans les myopathies de Duchenne et de Becker.
Crampes, fatigue à l’effort, faiblesse musculaire : et si c’était une dystrophinopathie ?
Les filles et les femmes atteintes d’une dystrophinopathie ont souvent un proche (père, frère, fils…) lui-même atteint d’une dystrophie musculaire de Duchenne ou de Becker. En comparaison, elles ont tendance à minimiser leurs propres symptômes musculaires ou à leur attribuer d’autres causes (stress, travail, sport intensif, avancée en âge…).
Les médecins ne connaissent pas tous les dystrophinopathies féminines et ne recherchent pas systématiquement l’existence d’une atteinte musculaire chez les femmes porteuses d’anomalies du gène DMD.
Consulter un médecin spécialisé dans les maladies neuromusculaires pour ces difficultés physiques permet de confirmer le diagnostic de dystrophinopathie et de mettre en place précocement les mesures de prévention et de prise en charge adaptées.

Que peut-on faire

La prise en charge médicale vise essentiellement à prévenir et traiter les complications, en particulier cardiaques, et à améliorer le confort de vie des femmes atteintes de dystrophinopathie. Un suivi médical régulier permet d’évaluer le retentissement de la maladie sur l’organisme et d’adapter la prise en charge en fonction des bilans musculaires, cardiaques…

  • Seule une surveillance cardiaque rigoureuse permet de détecter une éventuelle atteinte cardiaque et de mettre en place précocement son traitement : inhibiteurs de l’enzyme de conversion, associés ou non à des bêtabloquants ou à d’autres médicaments…

- Chez les filles atteintes de myopathie de Duchenne, la prise en charge cardiaque est mise en place préventivement, dès l’enfance, exactement comme chez les garçons
- Chez les femmes porteuses d’une anomalie génétique du gène DMD, qu’elles soient symptomatiques ou non, un premier bilan cardiaque est réalisé au moment du diagnostic génétique. Il est répété tous les 5 ans au minimum à l’âge adulte. Le traitement est démarré dès les premiers signes d’atteinte du cœur. Dans les cas les plus sévères et les plus évolutifs au niveau cardiaque, une transplantation cardiaque pourra, le cas échéant, être proposée. 

  • La prise en charge orthopédique entretient le bon état des muscles et des os. Elle peut être associée à la pratique régulière d'une activité sportive modérée adaptée aux capacités musculaires et cardiaques.
  • Pour les filles atteintes d’une myopathie de Duchenne, un traitement par corticoïdes peut prolonger la période de marche et réduire le risque de développer une déformation du dos (notamment une scoliose). Des mesures complémentaires sont souvent recommandées (vitamine D et calcium, suivi diététique...) pour minimiser leurs effets secondaires.
  • La prise en charge des douleurs (médicaments contre la douleur, relaxation, adaptations du programme de rééducation…) varie en fonction de leurs causes. En cas de douleurs chroniques rebelles aux traitements habituels, il est possible d’aller consulter dans des centres spécialisés dans le traitement de la douleur chronique.
  • En cas de difficultés scolaires, un bilan neuropsychologique permet de repérer les points forts et les points faibles de l'enfant ou de l'adolescente afin de choisir quelles stratégies adopter pour compenser ses difficultés et adapter les apprentissages scolaires.
  • Le conseil génétique permet d'informer et d'accompagner une personne, ou une famille, confrontée au risque de développer ou de transmettre cette maladie. Seule une analyse génétique du gène DMD permet de connaître le statut génétique des femmes de la famille qui risquent d’avoir un chromosome X porteur d’anomalies du gène DMD. En l’absence de symptômes de la maladie, elle ne peut être réalisée qu’à partir de l’âge de 18 ans.
  • L’utilisation d’aides techniques facilite la réalisation de certains gestes de la vie quotidienne devenus difficiles. Par exemple, si la marche devient pénible ou fatigante, un scooter électrique adapté permet de se déplacer sur de longues distances en portant des charges et/ou de faire ses courses avec moins de fatigue et sans risque de chute.  

Des solutions pour préserver la santé de l’aidant et de l’aidé

Beaucoup de femmes atteintes de dystrophinopathies sont aussi impliquées dans l’aide au quotidien d’un proche lui-même atteint d’une dystrophie musculaire de Duchenne ou de Becker. Elles ont tendance à faire passer leur propre santé au second plan, considérant leur maladie moins sévère que celle de leur proche. Il leur est parfois difficile de trouver le temps de consulter et de prendre soin d’elles même.
Des solutions peuvent être mises en place pour soulager la personne dans son rôle d’aidant :

  • Des dispositifs permettent aux aidants de bénéficier de temps pour eux et à leur proche de recevoir les soins et l’aide nécessaires : accueil de jour, hébergement temporaire dans un établissement médical, intervention de professionnels à domicile…

Le Service régional AFM-Téléthon de votre région peut vous accompagner pour trouver et mettre en œuvre la ou les solutions qui correspondent le mieux à votre situation personnelle et familiale.

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Ce document présente une information générale, scientifique, médicale, psychologique et sociale sur les dystrophinopathies chez les femmes : Sont-elles fréquentes ? Comment sont-elles diagnostiquées ? Comment se manifestent-elles ? Comment évoluent-elles ? Comment se transmettent-elles ? Quelle prise en charge médicale ? Où consulter ? Quand ? Quelles démarches administratives ?... Il développe les différents aspects de ce qui peut être fait sur les plans médical, psychologique, social et dans la vie quotidienne pour vivre avec une dystrophinopathie.

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