Canalopathies musculaires

Publié le 03/12/2020

Les canalopathies musculaires sont dues à des anomalies dans un gène qui code un canal ionique entrainant une perturbation de la contraction du muscle. Le caractère fluctuant des manifestations complique l’identification de la maladie. Or connaitre le diagnostic est essentiel pour bénéficier de conseils et de médicaments adaptés. Des traitements sont en cours de développement.

Que sont les canalopathies musculaires ?

Les canalopathies musculaires sont des maladies très rares dues à des anomalies dans les canaux ioniques. D’origine génétique, elles touchent aussi bien l’enfant que l’adulte.
Il en existe deux grandes familles.
Les paralysies périodiques comportent :
•    Paralysie périodique hypokaliémique de type 1, et de type 2
•    Paralysie périodique hyperkaliémique
•    Paralysie périodique normokaliémique
•    Syndrome d’Andersen-Tawil

La kaliémie correspond au taux de potassium (K+) dans le sang. Certaines paralysies périodiques se manifestent par des accès de faiblesse musculaire associés à un taux de potassium anormalement élevé (hyperkaliémie) ou anormalement bas (hypokaliémie).

Les syndromes myotoniques non dystrophiques comportent :

•    Myotonie congénitale de Thomsen 
•    Myotonie congénitale de Becker
•    Paramyotonie congénitale (ou paramyotonie de von Eulenburg)
•    Myotonies du canal sodium, dont font partie la myotonie aggravée par le potassium, la myotonie fluctuans, la myotonie permanens et la myotonie sensible à l’acétazolamide.

Les myotonies non dystrophiques touchent aujourd’hui un millier de personnes en France, tandis qu’une centaine de familles sont concernées par une paralysie périodique.
Les canalopathies musculaires sont des maladies chroniques, qui doivent bénéficier d’un suivi spécialisé.

À quoi sont-elles dues ?

Les canalopathies musculaires sont des maladies génétiques, qui se transmettent selon un mode récessif  ou dominant. Elles sont toutes dues à une anomalie (mutation) d’un gène qui code un canal ionique, d’où leur nom de « canalopathie ».
Un canal ionique est une protéine insérée dans la membrane des cellules et qui la traverse. Il permet l’entrée et la sortie de la cellule musculaire d’un ion donné : chlore (Cl-), sodium (Na+), calcium (Ca2+) ou potassium (K+).

canon ionique et membrane cellulaire

Les canaux ioniques jouent un rôle déterminant dans la contraction et le relâchement des muscles. Plusieurs canaux ioniques peuvent être impliqués dans les canalopathies musculaires : un canal sodium (codé par le gène SCNA4), un canal potassium (codé par les gènes KCNJ2 ou KCNJ5), un canal calcium (codé par le gène CACN1AS), un canal chlore (codé par le gène CLNC-1).

Dans les canalopathies musculaires, l'un de ces cinq gènes présente une anomalie génétique, conduisant au dysfonctionnement du canal ionique correspondant.
•    Dans les paralysies périodiques, les muscles ont du mal à se contracter (hypoexcitabilité).
•    Dans les syndromes myotoniques non dystrophiques, les muscles ont du mal à se relâcher (hyperexcitabilité).

Les canalopathies musculaires sont de maladies chroniques, dont les premiers symptômes surviennent le plus souvent dans l’enfance ou l’adolescence. Elles se manifestent dans la plupart des cas de façon intermittente, par :
•    des crises de paralysie ou de faiblesse musculaire, qui durent de quelques minutes à plusieurs jours, pour une paralysie périodique ; le syndrome d’Andersen-Tawil peut se manifester aussi par des troubles du rythme cardiaque, qui nécessite un suivi par un cardiologue spécialisé
•    une raideur musculaire ou des difficultés à relâcher les muscles après un mouvement (myotonie), pour un syndrome myotonique non dystrophique.

La paralysie ou la raideur s’accompagne parfois de douleurs musculaires, et concerne un ou plusieurs muscles (membre, cou, thorax…). Certains facteurs peuvent favoriser leur survenue, ou augmenter leur intensité. Selon la forme de canalopathie musculaire, ces facteurs peuvent être : l’exposition au froid, le jeûne, les repas riches en sucres (produits sucrés, féculents…), l’humidité, les aliments riches en potassium, la fièvre, le stress ou encore la grossesse. 

Comment évoluent-elles ?

Les canalopathies musculaires sont souvent peu évolutives. L’intensité des symptômes est très variable d’une personne à l’autre. Une gêne respiratoire ou des difficultés à avaler sont possibles, si la paralysie ou la myotonie concerne les muscles respiratoires ou ceux du pharynx.
•    Dans les paralysies périodiques, la faiblesse musculaire est d’intensité variable chez une même personne, d’une crise à l’autre. La fréquence et l’importance des crises de paralysie ont tendance à s’estomper avec l’âge pour parfois faire place à une faiblesse musculaire modérée permanente.
•    Dans les syndromes myotoniques non dystrophiques, les symptômes évoluent peu au cours de la vie. Néanmoins, l’intensité de la raideur peut fluctuer d’un jour à l’autre, en fonction des circonstances (stress, émotions, froid, jeûne..). Il se développe parfois une hypertrophie des muscles concernés.

Comment fait-on le diagnostic ?

•    Pour une paralysie  périodique, l’examen clinique est le plus souvent normal. Le diagnostic est évoqué sur la nature des symptômes ressentis et leur intermittence, à savoir des accès de paralysie complète ou de faiblesse musculaire, apparaissant souvent lors d’une phase de repos après un effort intense ou inhabituel, ou lors d’une période d’immobilité prolongée (long trajet en voiture, en train ou en avion, après 2 à 3 heures de cours...).
•    Pour un syndrome myotonique non dystrophique, les symptômes ressentis sont des difficultés à relâcher les muscles, une raideur musculaire ou une crampe déclenchées par un mouvement volontaire. Ces « myotonies » peuvent disparaitre de façon progressive avec la répétition du mouvement, ou au contraire s’intensifier. Tout dépend de la forme de syndrome myotonique non dystrophique. La lenteur du relâchement musculaire (myotonie) peut être mise en évidence par l’examen clinique, après une contraction volontaire provoquée (serrer la main ou un objet par exemple) ou en percutant un muscle avec un marteau à reflexe.

L’électromyogramme aide à confirmer le diagnostic de canalopathie musculaire, et à préciser sa forme. Cet examen comporte un enregistrement de l’activité électrique du muscle, au repos et lors de différents tests (efforts, froid).

Une prise de sang permet de réaliser un test génétique, à partir de l’ADN des globules blancs, pour rechercher l’anomalie génétique en cause. La canalopathie musculaire peut rester « non déterminée » à l’issue de ce test, car toutes les anomalies génétiques responsables de canalopathie n’ont pas encore été découvertes.

Que peut-on faire ?

Le diagnostic et la prise en charge d'une canalopathie musculaire se conçoivent dans le cadre de consultations pluridisciplinaires spécialisées dans les maladies neuromusculaires.
La prise en charge a pour objectif de réduire l’impact de la maladie sur la vie quotidienne et de prévenir les complications. Elle est déterminée au cas par cas, en fonction de la canalopathie, de la gêne qu’elle entraine et de la fréquence des symptômes. 
 

Le traitement des crises de paralysie périodique

Les mesures à prendre sont spécifiques à chaque paralysie périodique. 
Pour une forme hyperkaliémique, l’intensité et/ou la durée de la crise peut être réduit par l’ingestion d’un aliment ou d’une boisson sucrée et l’activité physique légère (marche), dès l’apparition de la faiblesse musculaire, ou éventuellement par l’inhalation d’un médicament (salbutamol). 
En cas de paralysie périodique hypokaliémique, le traitement de la crise repose sur la prise de potassium, et il faut éviter tout apport sucré concomitant (boisson ou aliment sucré, perfusions glucosées…).
Les paralysies périodiques sont des maladies très rares, donc mal connues par les médecins non experts en maladies neuromusculaires. Vous pouvez demander au spécialiste qui vous suit de rédiger et de vous confier un document qui explique, à tout autre médecin que vous seriez amené à consulter, la conduite à tenir en cas d’accès paralytique.


Le traitement de fond
 

•    Il a pour objectif de prévenir la survenue des symptômes ou d’en réduire l’intensité, lorsqu’ils sont fréquents et gênants. Ce traitement peut reposer sur différents médicaments : mexilétine, carbamazépine, acétazolamide, spironolactone, dichlorphénamide…
•    En complément, des précautions simples sont à prendre au quotidien, pour éviter ou limiter les facteurs qui favorisent ou aggravent les symptômes. Selon la forme de canalopathie, il peut s’agir d’éviter le jeûne, les aliments salés, riches en sucres ou en potassium, les efforts en milieux froids, ou encore les efforts intenses.
•    Des séances de kinésithérapie permettent de lutter contre les douleurs musculaires et les rétractions des tendons (massages, infrarouges, étirements, balnéothérapie).
•    Les personnes atteintes d’un syndrome d’Andersen-Tawil doivent bénéficier d’un suivi par un cardiologue spécialisé dans les maladies neuromusculaires afin de mettre en route un traitement adapté (voire bénéficier d’un défibrillateur cardiaque implantable) si une anomalie est détectée. Il faut également éviter de prendre certains médicaments, dont la liste peut être téléchargée sur le site du Centre de référence national.

Des Cartes d'urgence
Les cartes d’urgence "Syndromes myotoniques non dystrophiques" et "Paralysie périodique hypokaliémique", mises en place par la filière FILNEMUS à partir de juillet 2018, présentent les recommandations importantes pour la sécurité et la prise en charge médicale d’urgence de la personne.

Des précautions anesthésiques

Une canalopathie n’empêche pas de bénéficier d’une anesthésie générale ou par péridurale, mais il faut prendre des précautions particulières. Certains produits anesthésiants et certaines circonstances propres à une intervention chirurgicale (froid, jeûne, perfusion de glucose…) peuvent, en effet, provoquer ou aggraver les symptômes. Quelle que soit l’intervention envisagée, il faut donc toujours prévenir l’anesthésiste et le chirurgien que l’on est atteint d’une canalopathie musculaire et leur présenter la Carte d’urgence. Cette carte précise les précautions à respecter en cas d’anesthésie. L’anesthésiste peut aussi contacter l’équipe du Centre national de référence des canalopathies musculaires ou consulter les recommandations publiées sur le site internet de ce dernier.


Un Centre de référence national

Spécialisé dans les canalopathies musculaires, ce centre est situé à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris). Son équipe travaille en collaboration avec le réseau de consultations pluridisciplinaires et lui apporte, si nécessaire, son expertise à l’étape du diagnostic, du traitement et du suivi.
Le Centre national de référence des canalopathies musculaires exerce également des missions plus globales de recherche (coordination de RESOCANAUX, animation d’essais cliniques), de formation et d’information des professionnels de santé et des personnes malades. Il lui revient, enfin, de définir, faire évoluer et diffuser les protocoles de diagnostic et de prise en charge, au fur et à mesure des progrès de la recherche.
 

Conseil génétique

Les canalopathies sont des maladies génétiques. Le conseil génétique permet d'informer et d'accompagner une personne, ou une famille, confrontée au risque de développer ou de transmettre cette maladie.

Où en est la recherche?

La recherche dans les canalopathies musculaires est à la fois fondamentale, pour mieux comprendre ces maladies (fonctionnement des canaux ioniques, mutations génétiques, mécanismes de chaque canalopathie…), préclinique (expérimentation de traitements potentiels sur des modèles biologiques…) et clinique, afin de faire progresser les connaissances sur l’histoire naturelle de la maladie, d’améliorer son diagnostic et d’évaluer de nouveaux traitements.

Quelques chiffres...


•    Une base de données française, un Centre de référence dédié.
•    Plus de 60 articles publiés dans la littérature médicale et scientifique dans les 12 derniers mois d'après Pubmed (interrogation du 10 juin 2022).
 

Publication des résultats de l’essai Myomex dans les myotonies congénitales

Les résultats de cet essai mené chez 25 participants et soutenu par l’AFM-Téléthon, conforte l’usage de la mexilétine pour traiter la myotonie dans les syndromes myotoniques non dystrophiques.

La buprénorphine dans la paramyotonie congénitale

La buprénorphine, une molécule utilisée dans le sevrage de la toxicomanie aux opioïdes, agit sur la canal sodique en cause dans la paramyotonie congénitale et pourrait être utilisée comme traitement de la myotonie lorsque la méxilétine n’est pas bien tolérée. 

Un treatabolome pour les canalopathies musculaires

Un treatabolome est une base de données qui recense tous les traitements disponibles afin d’accélérer la mise en route d’un traitement (quand il existe) une fois le diagnostic génétique posé. Celui des canalopathies musculaires a été colligé en 2021.

Le syndrome d’Andersen-Tawil de mieux en mieux cerné

Grâce à la description détaillée par une équipe britannique de 69 personnes et par une équipe française de 35 personnes, présentant toutes des anomalies du gène KCNJ2, les manifestations atypiques relativement fréquentes sont mieux caractérisées. 

Le vieillissement du muscle le protège contre les accès de paralysie liés au potassium

Au cours de l’évolution des paralysies périodiques, l’importance des accès de paralysie diminue pour faire place vers l’âge de 40 ans à l’apparition d’une myopathie avec un déficit permanent qui s’aggrave petit à petit. Cette protection contre les accès de paralysie semble être une propriété qu’acquiert le muscle en vieillissant.

Voir le Zoom sur... la recherche dans les canalopathies musculaires

Une base de données française

En France, le réseau français spécialisé sur les canalopathies musculaires, RESOCANAUX, a développé une base de données nationale sur les maladies des canaux ioniques musculaires. Elle a pour but de recueillir les données cliniques, mieux estimer le nombre de personnes concernées par ces maladies, réaliser des études de corrélation phénotype-génotype et identifier des candidats à de futurs essais cliniques.

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Comment la recherche est-elle organisée ?

Les équipes de recherche impliquées dans les canalopathies musculaires sont concentrées dans les pays comme les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne et l’Italie, sans oublier le Japon, la Chine ou encore les Pays-Bas.

Des rencontres internationales

La thématique des canalopathies musculaires est régulièrement abordée dans les congrès nationaux et internationaux de neurologie, de génétique, et les congrès scientifiques comme le congrès Myology organisé par l’AFM-Téléthon. La recherche sur les canalopathies musculaires s’intègre dans celle, plus vaste, dédiée aux neurosciences. 

En France

La  recherche sur les canalopathies musculaires est très active en France. Une équipe dirigée par Bertrand Fontaine et soutenue par l'AFM-Téléthon, travaille spécifiquement sur ces maladies.
Elle anime un réseau spécialisé sur les canalopathies musculaires, RESOCANAUX, et travaille en collaboration, sur des sujets précis, avec le Muscle Society Group, qui réunit des experts du Canada, des États-Unis, de la Grande Bretagne, des Pays-Bas, de l'Italie et de la France.

Pour aller plus loin

•    Aller sur le site internet du centre de référence des canalopathies musculaires
•    Voir les publications dans la base de données bibliographiques PubMed (en anglais)
•    Voir la base de données sur les essais cliniques ClinicalTrials.gov (en anglais)
Voir le Zoom sur... la recherche dans les canalopathies musculaires

Aller plus loin

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