Myotonie congénitale de Becker

Publié le , mis à jour le

Maladie rare, la myotonie congénitale de Becker est d'origine génétique. Elle débute en général dans l'enfance et touche les muscles. : ils ont du mal à se relâcher après un mouvement (myotonie). Il est cependant possible de prévenir ses manifestations ou de réduire leur importance. Médecins et chercheurs poursuivent néanmoins leurs recherches pour faire progresser encore les connaissances sur cette maladie et améliorer sa prise en charge.

Quelle est la cause ?

La myotonie congénitale de Becker est une maladie d'origine génétique. Elle est due à une anomalie (mutation) du gène CLCN1. Il code le canal chlore : il s’agit d’une protéine qui traverse la membrane des cellules musculaires squelettiques, où elle permet l’entrée et la sortie d’ions chlore (Cl-). Ce canal joue un rôle déterminant dans la contraction et le relâchement des muscles. 
La mutation à l’origine de la myotonie congénitale de Becker entraine une hyperexcitabilité des fibres musculaires. 

À savoir 
- Les maladies musculaires dans lesquelles des canaux ioniques (chlore, sodium, potassium…) dysfonctionnent sont nommées « canalopathies musculaires ».
- Les syndromes myotoniques non dystrophiques constituent un sous-groupe de canalopathie musculaire, auquel appartiennent la myotonie congénitale de Becker et celle de Thomsen.

Plusieurs cas dans la famille, c’est possible

La myotonie congénitale de Becker peut survenir sans qu’aucune autre personne de la famille n’en soit atteint :  on parle alors de cas « sporadique ». Dans les autres cas, il existe d’autres proches atteints car la mutation génétique responsable de la maladie s’est transmise au fil des générations. 

La transmission de la mutation se fait selon le mode autosomique récessif. Et le risque pour un couple d’avoir un enfant atteint de la maladie dépend du statut de chacun des deux partenaires : atteint de myotonie congénitale de Becker (mutation génétique présente sur les deux exemplaires du gène CLCN1), porteur sans être malade (un seul exemplaire du gène muté) ou non porteur (aucun exemplaire du gène n’est muté).

Pour en savoir plus sur la transmission des mutations responsables de maladies génétiques

Quels sont les symptômes ?

La myotonie congénitale de Becker est une maladie chronique dont les premiers symptômes apparaissent en général tôt dans l’enfance, souvent avant l’âge de dix ans. 

Un relâchement difficile après une contraction

Elle se caractérise par une sensation de raideur musculaire ou de difficulté à relâcher les muscles après un mouvement volontaire (myotonie), parfois ressentie comme une crampe, une raideur, une rigidité, avec de possibles « blocages » musculaires. En pratique, cela peut se traduire dans l’enfance par des difficultés pour avaler, une (apparente) maladresse, des chutes fréquentes, des difficultés à ouvrir les yeux lors de pleurs…

Sa fréquence de survenue et sa sévérité sont très variables d’une personne à l’autre. Elle peut toucher tous les muscles, mais il s’agit plus souvent de ceux des membres inférieurs (cuisses, jambes) et des mains, parfois ceux du visage. 

La myotonie est améliorée par l’effort, lors de la répétition du mouvement, et aggravée par le repos ou l’inactivité prolongée (station assise), le stress, les émotions, la grossesse, plus rarement le froid. 

Le saviez-vous ?
D’autres maladies neuromusculaires provoquent des difficultés à relâcher les muscles, à l’exemple de la maladie de Steinert et de la dystrophie myotonique de type 2

Parfois un aspect très musclé

Il existe fréquemment une augmentation du volume des muscles (hypertrophie musculaire) surtout au niveau des membres inférieurs, parfois des membres supérieurs et de la nuque. Cette hypertrophie est liée à la répétition des contractions musculaires involontaires (myotonies) qui finissent par avoir sur les muscles un effet comparable à celui d’un exercice physique intensif. Elle peut donner un aspect dit « herculéen ».

Une certaine stabilité dans le temps

La myotonie congénitale de Becker est gênante pour certains gestes de la vie courante, mais elle ne modifie pas l’espérance de vie. Il s’agit d’une maladie peu évolutive. Au fil des années, une faiblesse musculaire permanente peut néanmoins s’installer. 

Comment est fait le diagnostic ?

  • L’association d’une myotonie, qui disparait de façon progressive avec la répétition du mouvement, et d’une hypertrophie des muscles oriente le diagnostic vers une myotonie de Becker.
  • Le médecin peut mettre en évidence la lenteur du relâchement musculaire en demandant de réaliser une contraction volontaire (serrer la main, tenir un objet…) et en percutant un muscle avec un marteau à réflexe. Il peut également rechercher l’amélioration de la myotonie par l’effort en demandant de répéter un mouvement (fermeture-ouverture des yeux ou d'une main).
  • L'électromyogramme enregistre l'activité électrique du muscle. Il montre un aspect caractéristique de myotonie au repos, ainsi qu’un aspect caractéristique de myotonie congénitale lors de la répétition d’efforts brefs. En revanche, il est normal lors d’un effort long.
  • Il est aussi possible de réaliser un test génétique à partir d'une prise de sang pour rechercher l'anomalie génétique en cause, parmi les plus de 200 mutations du gène CLCN1 déjà répertoriées.

Becker ou Thomsen, quelle différence ?

Les myotonies congénitales de Becker et de Thomsen touchent une personne sur 100 000, sont toutes deux dues à des mutations du gène CLCN1 et se manifestent de la même façon. Elles se distinguent essentiellement par le mode de transmission de l’anomalie génétique : autosomique dominant (Thomsen) ou autosomique récessif (Becker). On peut l’identifier en établissant un arbre généalogique qui retrace la répartition dans la famille des personnes chez qui la maladie est diagnostiquée ou suspectée.

Vignette Actualité - Gene

Un centre de référence national

Situé à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, un Centre de référence est spécialisé dans les canalopathies musculaires, dont fait partie la myotonie congénitale de Becker. Si nécessaire, son équipe peut apporter son expertise à l’étape du diagnostic, du traitement et du suivi. Le Centre national de référence des canalopathies musculaires mène également des missions de recherche, de formation et d’information des professionnels de santé et des personnes malades. Il lui revient enfin d’établir et de diffuser des protocoles de diagnostic et de prise en charge des canalopathies, au fur et à mesure des progrès de la recherche.

Quel est le traitement ?

La prise en charge vise pour l’essentiel à améliorer le confort de vie des personnes atteintes de myotonie congénitale de Becker et à prévenir les complications, notamment liées à une anesthésie.

Le diagnostic et le suivi se conçoivent, au mieux, dans le cadre de consultations pluridisciplinaires spécialisées dans les maladies neuromusculaires.

  • La prise en charge de la myotonie associe la kinésithérapie (massages décontracturants, étirements, balnéothérapie…) et, si la gêne est très forte, des médicaments comme la mexilétine (Namuscla®) dont les bons résultats de l’essai MYOMEX ont conforté la prescription dans les myotonies congénitales.
  • Autant que faire se peut, il faut éviter ou limiter les facteurs qui favorisent ou aggravent les symptômes (stress, inactivité prolongée…).
  • Mise en place par la filière FILNEMUS à partir de juillet 2018, la carte d’urgence Syndromes myotoniques non dystrophiques présente des recommandations importantes pour la prise en charge en situation d’urgence et l’anesthésie d'une personne atteinte de myotonie congénitale de Becker.
  • Certains produits anesthésiants peuvent aggraver les symptômes. Bénéficier d’une anesthésie (générale ou par péridurale) est toutefois possible, à condition de prendre des précautions spécifiques. C’est pourquoi il faut toujours prévenir l’anesthésiste et le chirurgien de l’existence de la myotonie congénitale de Becker et leur présenter la carte d’urgence, quel que soit le type d’intervention chirurgicale envisagée.
  • Le conseil génétique permet d’informer et d’accompagner une personne, ou une famille, confrontée au risque de développer ou de transmettre cette maladie.

Y a-t-il des travaux de recherche ?

La recherche sur les canalopathies musculaires (dont la myotonie congénitale de Becker fait partie) s’avère très active en France où est né, en 2001, un réseau spécialisé de médecins et de chercheurs nommé Resocanaux

Coordonné par le Pr Bertrand Fontaine, directeur médical et scientifique de l’Institut de Myologie (Paris), ce réseau recueille les données de suivi de personnes atteintes de canalopathie musculaire pour mieux comprendre ces maladies, mais aussi pour faire progresser leur traitement avec la mise en place d’essais cliniques.

En chiffres

  • 30 articles médico-scientifiques sur les myotonies congénitales publiés au cours des 12 derniers mois sur Pubmed (consulté le 20 juin 2023)
  • 5 essais ou études cliniques en cours dans les myotonies congénitales répertoriés sur Clinicaltrials.gov (consulté le 20 juin 2023)

Les traitements de la myotonie à l’essai

À Paris, un essai clinique en ouvert et son extension évaluent la mexilétine (Namuscla®) chez 14 enfants et adolescents âgés de 6 à 18 ans et atteints, notamment, de myotonie congénitale. 

Une étude observationnelle évalue l’efficacité et la tolérance à long terme de la mexilétine chez 53 adultes atteints de myotonie non dystrophique, comme la myotonie congénitale de Becker. Elle est menée dans trois pays dont la France, à Lille et Paris (Hôpital Pitié-Salpêtrière).

Deux essais cliniques, l’un au Danemark et l’autre au Royaume-Uni, comparent l’efficacité de la mexilétine (Namuscla®) et celle de la lamotrigine (Lamictal®) chez des adultes atteints de myotonies non dystrophiques, et notamment de myotonie congénitale de Becker.

L’acide niflumique à l’étude sur des cultures de cellules

Les mutations du gène CLCN1 responsables de myotonie congénitale provoquent une perte ou une altération de la fonction des canaux chlore musculaires. 
L’acide niflumique est un anti-inflammatoire commercialisé depuis de nombreuses années. Une équipe italienne a montré, sur des cellules où avaient été transférées le gène CLCN1 muté, que ce médicament exerce une activité dite de « chaperon pharmacologique » sur les canaux chlore mutés : il se lie à ces canaux, leur permettant d’échapper au contrôle qualité exercé par le réticulum endoplasmique et qui normalement conduit à leur dégradation. Ils peuvent ainsi parvenir jusqu’à la membrane de la cellule. Ce faisant, l’acide niflumique restaure le passage de chlore à travers la membrane, à des niveaux comparables à ceux atteints avec des cellules non porteuses du gène muté. 
Pour les chercheurs italiens, la prochaine étape consiste à vérifier les effets de l’acide niflumique dans des cellules de personnes atteintes de myotonie congénitale, avant de pouvoir envisager un essai clinique.