Myosites (Myopathies inflammatoires)

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Une myopathie inflammatoire, ou myosite idiopathique, est une maladie auto-immune du muscle liée à la production d’anticorps anormaux. Il en existe différentes formes (dermatomyosite, myosite à inclusions...) qui se différencient par leurs mécanismes et leurs symptômes. Un grand nombre de médicaments sont déjà disponibles pour les traiter, mais la recherche continue afin de faire progresser les connaissances et d’améliorer encore la prise en charge.

Une myosite, c’est quoi ?

En médecine le suffixe « ite » désigne une inflammation, comme dans les mots otite ou bronchite. Une myosite est une inflammation de muscles (« myo »). Elle est dite idiopathique lorsque l’on ne retrouve aucune cause à cette inflammation : elle n’est pas dûe à une infection par un microbe comme les myosites virales, ni à un problème de thyroïde.... On parle également de myopathie, c’est-à-dire de maladie (« pathie ») du muscle, inflammatoire. L’inflammation est une réaction de l’organisme, via le système immunitaire, pour se protéger contre une agression, mais dans les myosites, elle se produit sans raison connue. 

En pratique une myosite associe :

  • les signes d’une atteinte musculaire: faiblesse, douleur musculaire, augmentation de la créatine phosphokinase (CK) dans le sang
  • des signes que cette myopathie est d’origine immunitaire : inflammation des fibres musculaires, production d’anticorps dirigés contre des constituants du corps (ou autoanticorps)

Dans la classification actuellement en vigueur, les principales formes de myopathie inflammatoire sont :

Des maladies musculaires rares
Les myopathies inflammatoires ou myosites toucheraient 1 personne sur 7 000. En France, 3 000 et 5 000 adultes et enfants seraient touchées par une forme de myosite. Il s’agit plus souvent de filles ou de femmes que de garçons et d’hommes, sauf pour la myosite à inclusions qui touche deux fois plus d’hommes que de femmes. 

Un dérèglement du système immunitaire

Le rôle du système immunitaire est de protéger l'organisme contre des agressions extérieures, comme les infections. Dans une myopathie inflammatoire, il se dérègle et produit des auto-anticorps c’est-à-dire des anticorps qui attaquent certains constituants de l'organisme, comme les muscles. Une myosite est une maladie auto-immune, à l’instar du lupus ou de la myasthénie.

Médecins et chercheurs ne savent pas encore pourquoi le système immunitaire se dérègle. L’hypothèse actuelle est que la maladie résulte probablement de la conjonction de facteurs liés à l’environnement (rayons ultraviolets, prise d’un médicament...) et d’un terrain génétique prédisposant. Néanmoins les myosites ne sont pas des maladies héréditaires, qui seraient liées à une anomalie génétique. Elles ne sont donc pas transmissibles à ses enfants.
 

Comment se manifestent-elles ?

Les myopathies inflammatoires (ou myosites idiopathiques) sont des maladies rares dont les manifestations possibles sont très diverses. De ce fait, leur diagnostic prend parfois un certain retard. Elles peuvent commencer à se manifester à tout âge, de l’enfance jusqu’à un âge avancé: La myosite à inclusions survient le plus souvent après l’âge de 50 ans. À l’inverse, la dermatomyosite peut toucher un enfant de moins de 10 ans.

Des symptômes variables

Les myosites se manifestent de façon très différente d'une forme à l'autre et, pour une même forme, d'une personne à une autre. Le plus souvent, elles entrainent une faiblesse musculaire, une plus grande fatigabilité à l’effort et des douleurs des muscles (myalgies) ressenties comme des courbatures ou des crampes.

Les manifestations possibles de la faiblesse musculaire
Selon les muscles touchés, la faiblesse musculaire se manifestera par des difficultés ou une gêne inhabituelle pour : 
• se lever d’une chaise ou des toilettes sans l’aide des mains,
• monter les escaliers, gravir une échelle,
• se coiffer,
• se laver les cheveux,
• s’habiller,
• s’accroupir ou se relever de la position accroupie ou à genou,
• passer de la position couchée à la position assise,
• maintenir les mains au-dessus de la tête de façon prolongée,
• courir, marcher (enfant qui demande à être porté plus souvent, chutes répétées),
• soulever ou porter les objets lourds (sac de course, valise…),
• prendre en main et manipuler des objets (outils, ustensiles de ménage),
• écrire
• maintenir le dos droit, 
• relever la tête,
• avaler certains aliments.

Selon leur forme, les myosites peuvent s’accompagner d’autres signes, également liés à un mécanisme auto-immun et qui concernent la peau (éruption, calcifications), les articulations (douleurs, gonflement), les poumons (toux, essoufflement) ou encore le cœur (palpitations, malaise).

Et le syndrome des antisynthétases ?

De description récente, le syndrome des antisynthétases est une forme de myosite de chevauchement.

  • En médecine, le mot « syndrome » désigne l’existence d’un ensemble de symptômes, en l’occurrence l’association d’une myosite et d’une atteinte des poumons (pneumopathie interstitielle), des articulations (douleurs) et de la peau (phénomène de Raynaud, fissurations au bout des doigts). 
  • Le mot « antisynthétase » fait référence aux autoanticorps qui sont dirigés contre des enzymes présentes dans le cytoplasme des cellules, les aminoacyl-ARNt synthétases : auto-anticorps anti-Jo1, anti-PL7, anti-PL12…

Une personne atteinte d’une myosite peut également développer une autre maladie auto-immune : lupus érythémateux systémique, sclérodermie…

Examen, biopsie musculaire et prise de sang pour le diagnostic

Comme souvent en médecine, le diagnostic de myosite s’appuie sur un ensemble d’arguments. Les symptômes ressentis, les signes retrouvés à l’examen clinique et l’électromyogramme font évoquer une myopathie inflammatoire, mais seule la biopsie musculaire peut permettre au médecin de l’affirmer avec certitude. Il est parfois nécessaire de la répéter. 
Le médecin peut demander une imagerie par résonance magnétique, ou IRM, pour l’aider à choisir le site de la biopsie musculaire dans une zone où la maladie est repérée sur les images comme active : augmentation de volume du muscle traduisant un œdème, zones apparaissant plus « blanches » en raison d’une inflammation.

La recherche de différents auto-anticorps dans le sang conforte le diagnostic et l’affine (type de myosite).

Deux grandes familles d’auto-anticorps

  • Les auto-anticorps spécifiques des myosites sont retrouvés uniquement chez les personnes atteintes de myosite : antiJo-1, anti-Mi2, anti-SRP, anti- HMGCR, anti-TIF1-γ…
  • Les auto-anticorps associés aux myosites peuvent être présents aussi dans d’autres maladies auto-immunes (comme le lupus) : antiRo-52, anti-Ro60, anti-La, anti-PM-Scl 75…

Connaitre le nom de l’auto-anticorps en cause est utile pour mieux comprendre sa maladie et pourquoi tel ou tel traitement est le plus indiqué. On sait en effet aujourd’hui qu’il existe des liens entre la présence d’un auto-anticorps donné et le type de myosite, l’évolution de la maladie ou la réponse aux différents médicaments. 

Bon à savoir
La recherche d’auto-anticorps peut revenir « négative » : ce serait le cas pour près de 40% des personnes atteintes de myosites. Cela ne signifie pas qu’ils ne produisent pas d’auto-anticorps. C’est juste qu’ils ne produisent aucun des auto-anticorps identifiés à ce jour.

Quelle évolution ?

En l’absence de traitement, une myosite ne s’améliore pas de façon spontanée. La faiblesse musculaire s’aggrave progressivement et peut s’étendre à d’autres muscles.

Avec le traitement, la plupart des myosites s’améliorent avec l’obtention d’une rémission. Certaines personnes connaissent une récupération complète, sans récidive ultérieure et dans certains cas pourront arrêter tout traitement. D’autres auront une nouvelle poussée de la maladie (rechute) pendant les premiers mois ou années qui suivent, mais ce risque concerne une minorité de patients

La myosite à inclusions occupe une place à part puisqu’elle est peu ou pas sensible au traitement habituel des myosites. Néanmoins, elle évolue de façon très lente, sur des années, et ne modifie pas l’espérance de vie qui reste comparable à celle d’une personne indemne de myosite.

En savoir plus sur les myosites avec une Web conférence des associations de patients

Que peut-on faire ?

La prise en charge d’une personne atteinte de myopathie inflammatoire associe souvent un traitement de fond à des mesures pour agir sur la force musculaire et prévenir les complications.

Si les traitements actuels des myosites entrainent la plupart du temps une amélioration, dans certains cas ils s’avèrent inefficaces, incomplètement efficaces ou mal tolérés. Un grand nombre d’essais cliniques sont menés dans le monde pour trouver des traitements plus efficaces et mieux tolérés.

Qui consulter ?

La prise en charge d’une myosite se conçoit au mieux dans le cadre de consultations pluridisciplinaires spécialisées dans les maladies neuromusculaires ou les maladies auto-immunes rares. Elles réunissent les compétences de plusieurs intervenants (interniste, neurologue, médecin de rééducation, kinésithérapeute, diététicien, psychologue…) et sont structurées selon deux dispositifs :
- la filière de santé des maladies rares neuromusculaires (FILNEMUS)
- la filière de santé des maladies auto-immunes et auto-inflammatoires rares (FAI2R):
Au sein de chaque filière, certaines consultations sont labellisées « centres de référence » compte tenu de l’importance de leur activité sur le plan tant du diagnostic et de la prise en charge que de la recherche (essais cliniques notamment). Depuis décembre 2023, l'Hôpital de la Pitié-Salpêtrière (équipe du Pr Olivier Benveniste) est devenu le Centre de référence des myopathies inflammatoires de la filière FILNEMUS. C'est le seul en France.

Le traitement de fond de la myopathie inflammatoire

Hormis pour la myosite à inclusions, le traitement repose sur des médicaments qui diminuent ou modulent l’activité du système immunitaire et l’inflammation. Ce traitement « de fond » peut faire appel aux corticoïdes, à un ou plusieurs immunosuppresseurs, à une thérapie ciblée.

Le médecin choisit le ou les moyens de traitement les plus adaptés, au cas par cas, en fonction de la forme de myosite, des atteintes associées (poumons, peau...) et des autres problèmes de santé qui peuvent faire contre-indiquer certains médicaments.

Infographie - Un traitement de fond, trois possibilités

L’objectif du traitement de fond est de modifier l’évolution de la maladie. Différents moyens sont disponibles pour y parvenir :

  • les corticoïdes réduisent l’inflammation du muscle (anti-inflammatoire) et, à forte dose, diminuent la réponse immunitaire (immunosuppresseur) ;
  • les immunosuppresseurs diminuent l’activité du système immunitaire, raison pour laquelle ils sont prescrits dans de nombreuses maladies auto-immunes, et après les greffes d’organe pour réduire le risque de rejet ;
  • les thérapies ciblées sont des médicaments qui sont chacun dirigés contre une cible biologique particulière, par exemple une protéine impliquée dans l’inflammation. Ils exercent une action immunosuppressive ou immunomodulatrice sélective ; il s’agit de biothérapies ;
  • les immunoglobulines dites « polyvalentes » sont des anticorps prélevés chez des donneurs en bonne santé et capables de moduler l’activité du système immunitaire (immunomodulateur) dans les myosites ;
  • les échanges plasmatiques consistent à filtrer, à l’aide d’une machine, le sang afin d’en éliminer les autoanticorps.

Dans la majorité des cas, le traitement de fond débute par des corticoïdes, seuls ou associés dès le départ à un médicament immunosuppresseur, à la maison ou à l’hôpital, en fonction de l’intensité des manifestations de la maladie. Pour les patients dont les symptômes ne s’améliorent pas ou pas assez avec ce premier traitement, d’autres médicaments sont prescrits : association de deux immunosuppresseurs et/ou immunoglobulines polyvalentes et/ou thérapie ciblée.

Laisser du temps au temps  
La plupart des myosites vont s’améliorer sous traitement de fond, avec obtention d’une rémission. Il existe cependant un risque de rechute. Pour le réduire, le traitement initial est habituellement suivi d’un traitement dit « d’entretien » pendant au moins deux à trois ans (en moyenne), au cours desquels les doses de médicaments sont peu à peu réduites.

Kinésithérapie et activité physique

L’exercice physique est une composante essentielle du traitement de toutes les formes de myosites, avec l’objectif d’améliorer la force musculaire.
Un programme personnalisé de rééducation motrice, en kinésithérapie, permet de faire travailler tous les muscles. En complément, il est recommandé de pratiquer une activité physique ou sportive adaptée.
Les séances de kinésithérapie contribuent également à lutter contre les douleurs et à prévenir les rétractions musculo-tendineuses.

En savoir sur l’activité physique adaptée (avec démonstration)

Soigner une atteinte associée à celle des muscles

Le traitement de fond contribue à améliorer la plupart des atteintes d’autres organes (peau, cœur, poumons…) qu'elles soient liées à la myosite elle-même ou à une autre maladie auto-immune associée. Un traitement complémentaire est parfois nécessaire.

Les soins courants et les urgences

Quel que soit le type de myopathie inflammatoire dont vous êtes atteints, il est essentiel d’en informer tous les professionnels de santé consultés (médecins, dentiste, chirurgien…) et de leur dire quels sont vos traitements en cours. La prise d’un immunosuppresseur, de corticoïdes ou d’une biothérapie nécessite en effet de prendre des précautions particulières.

Pour la dermatomyosite, deux documents peuvent aider les professionnels de santé non experts en maladies neuromusculaires : le protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) qui explique la prise en charge optimale dans cette maladie, et la fiche « Bonnes pratiques en cas d’urgence » dans la dermatomyosite du site Orphanet.

Il existe également un PNDS pour la myosite à inclusions.

S’informer, pour mieux se soigner 

Élaboré par l’AFM-Téléthon avec le concours d’experts et de patients, ce document très complet présente une information détaillée sur les myopathies inflammatoires. Comment se manifestent-elles et évoluent-elles ? Quels sont les traitements possibles et les médicaments disponibles ? Où consulter ? À quelle fréquence ? Les myopathies inflammatoires sont-elles fréquentes ? Quelles démarches administratives réaliser ? ... À toutes ces questions, il apporte des réponses précises et concrètes sur ce qui peut être fait dans la vie quotidienne pour vivre avec une myopathie inflammatoire.


VOIR LE ZOOM SUR... LES MYOPATHIES INFLAMMATOIRES

Où en est la recherche ?

Les études sur les myopathes inflammatoires impliquent à la fois des chercheurs et des médecins spécialisés tant dans les maladies auto-immunes que dans les maladies du muscle. Chaque année, plusieurs centaines de publications scientifiques témoignent de l’intensité de leurs travaux de recherche dans le monde. En France, l'équipe de recherche Myopathies inflammatoires & thérapies innovantes ciblées de l’Institut de myologie (Hôpital de la pitié Salpêtrière, Paris) est très active en ce domaine.

En chiffres

  • Près de 100 essais et études cliniques en cours ou en préparation dans les myosites sont répertoriés sur le site ClinicalTrials.gov dont 19 en France (interrogation du 26 janvier 2024).
  • Plus de de 1 200 articles sur les myosites publiés dans la littérature médicale et scientifique en un an (interrogation de Pubmed le 26 janvier 2024)

Voir les Avancées dans les myopathies inflammatoires

VOIR LES ESSAIS ET ÉTUDES CLINIQUES EN FRANCE DANS LES MYOPATHIES INFLAMMATOIRES

Mieux connaitre les myopathies inflammatoires

De nombreux travaux de recherche s’attachent à décrire finement tous les aspects des myosites idiopathiques. Ils sont fondamentaux pour améliorer la compréhension des mécanismes de ces maladies et leur diagnostic. Ils ouvrent également de nouvelles pistes de traitement.

L’analyse d’entrepôts de données de santé  qui réunissent des informations médicales de personnes atteintes de myosite, nourrissent certains de ces travaux de recherche. En France, le Pr Olivier Benveniste (Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris) coordonne la base de données MASC2. Elle rassemble aujourd’hui les données de près de 1 600 personnes atteintes de myosites et contribue à enrichir la base de données internationale EuroMyositis.

Affiner les indications des traitements actuels

Différents essais cliniques s’attachent à déterminer quelles seraient les personnes les plus à même de bénéficier de tel ou tel médicament, ou association de médicaments.

Ainsi, en France,  l’essai CATR-PAT a pour objectif de comparer les traitements recommandés actuellement en Europe et aux États-Unis du syndrome des antisynthétases. Un autre essai évalue, contre placebo, l’efficacité et la tolérance d’immunoglobulines injectées par voie sous-cutanée. 

Évaluer de nouveaux médicaments ou dispositifs

Les médicaments à l’essai dans les myosites sont : 

  • des produits déjà commercialisés pour soigner d’autres maladies et qui sont à l’essai dans les myosites comme les inhibiteurs des janus kinases (baricitinib, tofacitinib, ruxolitinib...), la rapamycine, les anticorps anti récepteurs Fc néonataux (efgartigimod…), les anti-C5 (ravulizumab…) ou encore le thiosulfate de sodium.
  • des molécules encore en développement, comme l'ABC008 évalué dans la myosite à inclusions et le GLPG3667 à l’essai dans la dermatomyosite.

Fondé par l’AFM-Téléthon, l’Institut de myologie (Paris) évalue depuis 2022 deux exosquelettes des membres inférieurs (hanches, genoux),  le  Keego™ et le  Myosuit™. 

Explorer des thérapies innovantes

Les traitements immunosuppresseurs habituellement utilisés dans les myopathies inflammatoires ne sont pas toujours efficaces (myosite réfractaire, myosite à inclusions). Il est donc nécessaire de développer d'autres approches.

La thérapie cellulaire commence ainsi à être explorée, avec :
- deux essais dans la myosite à inclusions (dont l’un a démarré en France, soutenu par l'AFM-Téléthon),
- six essais à l'étranger dans la dermatomyosite, la polymyosite, la myopathie nécrosante auto-immune ou le syndrome des antisynthétases, dont cinq portent sur des cellules CAR-T.