Myopathie des ceintures
Les myopathies des ceintures se manifestent de façons diverses allant d’une simple fatigabilité à des formes entraînant la perte de la marche, avec ou sans complications cardiaque et/ou respiratoire. Un suivi médical régulier permet de traiter à temps les conséquences de la maladie. Les thérapies innovantes sont des pistes de recherche en pleine évolution dans ces maladies.
Les myopathies des ceintures : qu’est-ce que c’est ?
Trente-deux formes de myopathies des ceintures ou dystrophies musculaires des ceintures (LGMD pour Limb-Girdle Muscular Dystrophy) ont été répertoriées à ce jour.
Il s’agit de maladies des muscles (on parle de myopathie) qui touchent principalement les muscles proximaux, c’est-à-dire les muscles des épaules (ceinture scapulaire) et des hanches (ceinture pelvienne). Bien que variables, les manifestations cliniques sont généralement limitées aux muscles qui permettent le mouvement, aussi appelés muscles squelettiques.
Combien de personnes sont atteintes ?
Il est difficile de savoir combien de personnes sont touchées, mais on estime qu’environ 1 à 3 personnes sur 125 000 sont concernées par la maladie, toutes formes de LGMD confondues.
Que peut-on faire ?
Pour le moment, la prise en charge médicale vise essentiellement à prévenir les complications, notamment au niveau des muscles et des articulations, on parle de traitement symptomatique. Les recherches tentent de trouver un traitement dit de fond, qui cible la cause de la maladie.
Le diagnostic et la prise en charge d'une myopathie des ceintures se conçoivent au mieux dans le cadre de consultations pluridisciplinaires spécialisées dans les maladies neuromusculaires.
- Une surveillance annuelle est recommandée pour faire un bilan musculaire, orthopédique, cardiaque et respiratoire.
- La prise en charge orthopédique (kinésithérapie, appareillage) doit être précoce, régulière et adaptée à chaque situation individuelle. Elle permet de lutter contre les conséquences néfastes de la maladie, en maintenant, notamment, la souplesse des articulations (la perte de la force musculaire s'accompagne d'un enraidissement des muscles et des articulations et peut entraîner des déformations articulaires).
- Des aides techniques (téléphone main libre, canne, support de bras, pince à long manche...) aident, le cas échéant, à réaliser les gestes de la vie quotidienne que la gêne musculaire rend pénibles ou impossibles. Un scooter électrique ou un fauteuil roulant permet de retrouver l'autonomie de se déplacer.
Selon le type de myopathies des ceintures, il peut y avoir une atteinte des muscles de la respiration (difficultés respiratoires) et/ou du muscle cardiaque (cardiomyopathie, troubles du rythme cardiaque).
- Lorsqu'il existe une atteinte des muscles respiratoires, celle-ci nécessite une prise en charge spécifique.
- Un suivi cardiologique régulier permet de mettre en route un traitement adapté (médicaments, pacemaker, défibrillateur) au cas où une atteinte cardiaque serait détectée par les examens médicaux.
À quoi sont-elles dues ?
D’origine génétique, toutes les LGMD sont causées par des mutations dans des gènes jouant des rôles distincts dans les fibres musculaires, le bon fonctionnement de ces fibres est alors perturbé. Plus de 32 gènes impliqués dans l'apparition et la transmission de ces maladies ont été identifiés. À chaque gène, correspond une forme distincte de myopathie des ceintures.
Les LGMD sont-elles héréditaires ?
Les LGMD sont des maladies génétiques héréditaires. Afin de se manifester chez une personne, la majorité des LGMD (27 formes) nécessite que les deux copies du gène en cause soient mutées : on dit que la maladie se transmet selon le mode autosomique récessif. Beaucoup plus rarement, certaines LGMD (5 formes) peuvent se déclarer même si une seule copie du gène est mutée, elles sont alors transmises sur le mode autosomique dominant.
Le conseil génétique permet d'informer et d'accompagner une personne, ou une famille, confrontée au risque de développer ou de transmettre une de ces maladies.
La classification des myopathies des ceintures : Depuis 2018, et la publication de travaux issus d’un atelier de travail du European Neuromuscular Centre(ENMC), la communauté médicale et scientifique utilise une nouvelle dénomination et classification pour les LGMD. Le nom des dystrophies musculaires des ceintures prend désormais le format suivant : « LGMD, D (dominant) ou R (récessif) pour le mode de transmission, ordre de découverte (chiffre), nom de la protéine en cause ». Ainsi l’ex-LGMD2A devient la LGMD R1 liée à la calpaïne 3. Les LGMD récessives sont souvent regroupés en 5 groupes :
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Quand et comment se manifestent les myopathies des ceintures ?
Dans les myopathies des ceintures (LGMD) le muscle est dystrophique, les cellules qui le composent se renouvellent difficilement. Progressivement, certains muscles diminuent de volume et s'affaiblissent et les personnes ressentent une baisse lente de la force des muscles du bassin (ceinture pelvienne) et des muscles des épaules (ceinture scapulaire).
À quel âge commence la maladie ?
Leurs manifestations sont très variables d'une forme à l'autre. Dans les formes qui se transmettent sur le mode récessif, la maladie apparait souvent avant l'âge de 20 ans. Dans les formes qui se transmettent sur le mode dominant, le début peut être plus tardif.
Les premiers signes consistent principalement en des difficultés pour courir, pour monter les escaliers et se relever du sol. Les chutes sont fréquentes. Les mollets peuvent paraître très musclés (hypertrophie des mollets).
Comment les myopathies des ceintures évoluent-elles ?
L'évolution de ces maladies est très variable. Elle peut être lente ou rapide.
Le déficit des muscles des jambes s'accompagne souvent d'un raccourcissement des tendons d'Achille (rétractions tendineuses) et d’une déformation de la colonne vertébrale (scoliose, colonne raide). La marche peut devenir difficile dans certaines formes de myopathies des ceintures. Ainsi, dans certaines sarcoglycanopathies la marche devient impossible au bout de plusieurs années d'évolution. D'autres dystrophies des ceintures sont peu ou pas évolutives.

Des essais cliniques pour trouver des traitements efficaces
Les chercheurs explorent plusieurs stratégies afin d'agir sur le mécanisme pathologique à différents niveaux.
La thérapie génique
La thérapie génique consiste à insérer, dans les cellules de la personne malade, un "gène-médicament". Les essais cliniques de thérapie génique dans les myopathies des ceintures commencent à se multiplier tandis que des premiers résultats arrivent et que les approches se diversifient.

• Dans la LGMD R2, le produit de thérapie génique SRP-6004 est à l’essai afin d’évaluer la sécurité d’utilisation et la tolérance du produit.
• Dans la LGMD R3, une équipe avait publié en 2019 des résultats encourageants de la première administration chez l’homme d’un produit de thérapie génique, le SRP-9004. Les données montraient que cette approche était bien tolérée. En 2022, l’entreprise pharmaceutique à l’origine du produit a annoncé avoir entamé les étapes suivantes du développement.
• Dans la LGMD R4, des résultats préliminaires positifs concernant l’essai du produit de thérapie génique SRP-9003 ont été annoncés à l’occasion de la conférence annuelle de la Muscular Dystrophy Association(MDA) 2022.
• Dans la LGMD R9, deux essais sont en préparation afin de tester deux produits de thérapie génique : l’ATA-100 et le LION-101. L’ATA-100 a notamment été développée par Atamyo Therapeutics, une société de biotechnologie créée en 2020 par Généthon sur la base des travaux de recherche de l’équipe d’Isabelle Richard, chercheuse au Généthon.
Pour en savoir plus : un article pour comprendre la thérapie génique avec un focus sur les travaux en cours à Généthon sur le blog du groupe d'intérêt "Myopathies des Ceintures" de l'AFM-Téléthon.
Les approches pharmacologiques
Elles visent à ralentir l’évolution de la maladie. Plusieurs candidats médicaments sont à l’essai :
• La prednisone est en test dans un essai avec des patients atteints de LGMD R1, R2, R4, R5, R6, R9 ou R12. Les premiers résultats publiés début 2022 sont positifs.
• Dans la LGMD R9, le ribitol (BBP-418) est encore à l’essai. Les premiers résultats sont prometteurs : le produit est bien toléré et les malades voient leur fonction motrice s’améliorer. Le promoteur de l’essai clinique planifie déjà la suite des tests.
L’essai du déflazacort, qui ciblait également la LGMD R9, a été interrompu prématurément en 2020 à cause de la pandémie.
Depuis 2015, le laboratoire I-stem travaille sur des cellules modèles de myopathies des ceintures pour identifier des candidats-médicaments parmi des molécules déjà connues.
Voir les Avancées de la recherche dans les myopathies des ceintures
Les connaissances progressent
Depuis la découverte du gène de la calpaïne 3 en 1995 par l'équipe d'Isabelle Richard à Généthon, plus de 32 gènes différents ont été identifiés dans les myopathies des ceintures. Les médecins découvrent petit à petit que certains de ces gènes sont aussi impliqués dans d'autres formes de maladies neuromusculaires, notamment dans plusieurs formes de dystrophies musculaires congénitales, de myopathies distales ou de myopathies myofibrillaires.
Plusieurs études observationnelles et bases de données sont en cours pour mieux décrire les différentes formes de myopathies des ceintures et leur évolution, des données sur lesquelles s’appuyer pour de futurs essais cliniques.
En France, deux de ces études sont en cours sur les LGMD :
• L’étude EIDY évalue l’évolution de l’atteinte musculaire chez 40 personnes atteintes de myopathie des ceintures, suivies pendant deux ans.
• L’étude GNT-015-FKRP, mise en route par le Généthon, cherche à mieux comprendre les mécanismes de la maladie et évalue l’évolution de la LGMD R9, chez 52 personnes suivies pendant deux ans, en prévision de futurs essais de thérapie génique.
Une communauté active
Plusieurs congrès internationaux dédiés aux LGMD sont régulièrement organisés :
• La conférence internationale sur les LGMD 2021, organisée par l’association américaine SpeakFoundation, s’est déroulée en septembre 2021. Cette conférence médico-scientifique, sponsorisée entre autres par l’AFM-Téléthon, rassemblait médecins, chercheurs et autres experts des LGMD, ainsi que des compagnies pharmaceutiques pour discuter des dernières recherches dans les LGMD.
• Le sommet mondial sur les LGMD 2022, organisée aussi par la Speak Foundation, s’est déroulée en mai 2022. Les personnes atteintes de LGMD, toutes formes confondues, ont pu interagir directement avec les chercheurs et les entreprises pharmaceutiques développant des essais cliniques et traitements dans ces maladies.
Les chercheurs et cliniciens impliqués dans les myopathies des ceintures se réunissent aussi lors d'ateliers de travail plus restreints, autour d'une thématique pour favoriser les échanges et mettre en place des collaborations :
• Treat-NMD a organisé en mai 2022 sa troisième Masterclass sur les LGMD. Gratuit, cet évènement avait pour but de former les médecins aux spécificités des LGMD, les informer des dernières avancées de la recherche et leur permettre de partager leurs expériences dans le domaine.
• En 2022, l’European Neuromuscular Centre (ENMC) a organisé deux ateliers : un consacré aux soins standards dans les dysferlinopathies, et un autre aux dystroglycanes et dystroglycanopathies.
Comment fait-on le diagnostic ?
Pour poser le diagnostic de myopathie des ceintures et préciser son type, le médecin se base sur la localisation du déficit musculaire (ceintures), son évolution et l'histoire familiale (transmission génétique), complétées par des examens (prise de sang, scanner ou IRM musculaires, électromyogramme, biopsie musculaire).
Parfois, le médecin demande un prélèvement d'un fragment de muscle (biopsie musculaire) pour mettre évidence l’altération du tissu musculaire (aspect de nécrose-régénération caractéristique des dystrophies musculaires) et d’identifier, dans certains cas, le déficit en protéine qui est responsable de la maladie et donc le type de myopathie des ceintures.